C’était en Juin alors que nous rendions visite à Thomas Mousseau de la distillerie Ouche Nanon que nous sommes tombés sur un alambic pour le moins… Traditionnel !
Alors que la plupart des alambics modernes sont équipés d’outils électroniques permettant d’assister l’humain lors du processus de distillation, l’alambic d’Ouche Nanon nous faisait face avec une arrogante simplicité : une cuve, un col de signe, un condenseur (à serpentin bien entendu). Clou du spectacle, les quelques cendres au pied de la machine trahissent le mode de chauffe de cette dernière, au feu de bois !
Il faut dire que Thomas a appris la distillation auprès de Matthieu Frecon, distillateur renommé et auteur de « L’ALAMBIC – l’Art de la distillation – Alcools, Parfums, Médecines » et dont l’un des premiers conseils peut se traduire comme suit ;
« Tu me vires les sondes et tout le merdier électronique, les seuls instruments dont tu as besoin sont l’ouïe, la vue et l’odorat ».
Il faudra tout de même y ajouter un densimètre et un thermomètre en sortie d’alambic.
A feu nu
À partir des années 60, la plupart des distilleries passent à la chauffe indirecte : le moût est chauffé via un serpentin placé dans la cuve dans lequel circule de la vapeur. Ce système présente plusieurs avantages notables, la chauffe est uniforme et maîtrisée, il y a nettement moins de nettoyage à effectuer etc… En 1980 la distillerie Glenfarclas décide à son tour de changer de mode de chauffe et place un système à vapeur sur l’un de ses « spirit still » (Alambic de seconde distillation). Cette expérience ne durera qu’une semaine, car, selon les dire du maître distillateur de l’époque, ce qui sortait de cet alambic, ce n’était pas du Glenfarclas !
Et pour cause ! La chauffe à feu nu influence les arômes du futur whisky en y imprimant des saveurs du registre dit « empyreumatique ». Du grec ancien ἐμπύρευμα, (« braise ») ce type d’arômes s’exprime sous la forme de notes grillées et toastées… Ceci dit, Glenfarclas utilise du gaz pour ses alambics, la chauffe reste constante dans le temps, or il semblerait que les aléas de la chauffe au bois renforcent encore le caractère des eaux-de-vie, notamment a travers les variations d’intensité et l’inconstance du feu!
Braver le risque d’ébullition (qui ruinerait la passe en faisant remonter du moût dans le serpentin), s’imposer des heures de nettoyage ainsi que le contrôle en continu de la distillation a donc un sens sur le plan organoleptique.
Du temps
Pour la distillation, on charge la cuve (1) avec 400 litres de moût, on maîtrise la chauffe pour que l’alcool s’évapore et passe par le col-de-cygne (2) avant d’être condensé dans le serpentin en cuivre (3). On élimine les éléments légers qui sortent en tête (dont les aldéhydes acétiques qui s’évaporent à 21,25° et ont un goût désagréable) puis les éléments lourds qui sortent en queue (comme l’alcool amylique qui s’évapore à 132,5° et qui a un goût fort et laisse une sensation de brûler au palais).
Concrètement, avec ce procédé il faut 4 jours à Thomas pour remplir un fût de 220 litres. Et parce que quand on aime on ne compte pas, Thomas expérimente une triple distillation !!
Le processus de distillation est un processus méditatif.
Matthieu Frécon
L’un des points forts du whisky Français est probablement de contribuer au retour de la distillation artisanale, sur ce plan, la distillerie Ouche Nanon apporte une belle pièce à l’édifice !