Le Manifeste des Gnôles Naturelles

La récente mise en ligne du Manifeste des Gnôles Naturelles constitue un véritable coup de projecteur sur les producteurs/productrices de spiritueux nature. Porté par le savoir-faire de distillateurs comme Baptiste Françoisdistillerie O’Baptiste – et le caractère partisan de professionnels comme David Mimounalcools Vivant – ce manifeste nous révèle les méthodes de fabrication inhérentes à sa charte. Compte rendu d’entretien.

  • Quelles furent les prémices du mouvement ?

– Baptiste François : « À l’origine des Gnôles Naturelles, il y a des rencontres ! Ce sont celles avec des distillateurs, vignerons, cavistes mais aussi cuisiniers, botanistes et phytothérapeutes qui façonnèrent les contours du mouvement.

Plusieurs points de départ ont guidé notre démarche :

1. Une volonté de communiquer autour de distillateurs qui produisent des eaux-de-vie de haute qualité environnementale. Nous cherchons à ne rien mettre dans les champs. Nos approvisionnements en matières premières sont à minima bio et nous n’ajoutons pas de colorants, de sucres et d’additifs durant les opérations de distillation et de vieillissement. C’est pour cela qu’il arrive que nos produits changent de couleur après leur mise en bouteille.

2. Nous souhaitons faire prendre conscience que de nombreux alcools ne peuvent être considérés comme des produits artisanaux puisqu’élaborés selon le règlement Européen. La base éthylique de ces derniers autorise en effet l’ajout d’additifs… Ce que le grand public, les barmen, les cavistes  et les restaurateurs ignorent le plus souvent. Quand on sait qu’un litre d’alcool industriel revient à 1€ HT, nous sommes en droit de supposer que l’essentiel du prix de ces produits standardisés couvre des budgets distincts de ceux de la production. »

  • Pourquoi ce mouvement ?

– B. F. : « Face à une législation européenne de plus en plus souple vis à vis des intrants en Agriculture Biologique, nous souhaitions marquer une différence dans nos modes de production. Notre démarche vient en appui de mouvements déjà établis et vise à une prise de conscience collective. »

– David Mimoun : « Ce mouvement est là pour rappeler que les spiritueux sont faits à partir de matières agricoles. Si l’on souhaite un produit de qualité, il faut savoir d’où il vient. Pour respecter au mieux l’expression aromatique des matières premières, il faut faire attention à l’origine de ces dernières et ne pas ajouter d’intrants durant le processus de fabrication. Nous avons à cœur de faire savoir que des producteurs travaillent ainsi en France. »

  • Pourquoi le terme de Gnôle Naturelle pour incarner cette volonté ?

– B. F. : Le nom du mouvement a été choisi à la fois pour son aspect décalé et pour l’ouverture qu’il nous confère.

Gnôle étant synonyme d’eau-de-vie, le terme englobe un large éventail de spiritueux.

Naturelle est une référence directe au fait que nous laissons la nature s’exprimer dans toute sa créativité et son patrimoine de levures. Nous n’ajoutons rien, nos produits sont simples et sains.

Ce choix de nom était aussi une manière de prendre à contre-pied le milieu des « spirits » avec ces multiples anglicismes. La France possède un riche vocabulaire pour parler des eaux-de-vie et consort. L’utiliser, c’est remettre au goût du jour des termes parfois mis de côté. »

  • Qui sont les acteurs du mouvement ?

– B. F. : « Ils sont nombreux et variés ! Le Manifeste peut être à la fois signé par des professionnels et des particuliers. Parmi les fondateurs, je citerais notamment Vivant, l’Atelier du Bouilleur et la distillerie Edelweiss. La liste complète des sympathisants est disponible sur le site. »

  • Le Manifeste maintenant établi, quelles sont vos attentes ?

– B. F. : « Nous attendons les critiques et invitons d’autres personnes à rejoindre le mouvement. Il est temps qu’on bouge et qu’on ouvre nos distilleries pour que le public découvre notre manière de fonctionner. Ce manifeste est une invitation à aller vers du mieux de manière collective ! Il ouvre également une voie de réflexion autour de la commercialisation pour les producteurs. »

– D. M. : « Nous souhaitons proposer aux cavistes et aux restaurateurs une offre bio en spiritueux. La tendance craft est en plein essor, nous souhaitons aller plus loin. »

  • Le Mot de la Fin ?

– B. F. : Vive la nature, le bon, le bio, le sain !

– D. M. : Vive les papillons ! On continuera de préciser que les matières agricoles cultivées en conventionnel détruisent les insectes, la terre, l’eau, etc. Le lien entre spiritueux et matières premières est bien souvent mis de côté.


L’Actualité de la Distillerie O’Baptiste

Après une pluie de médailles reçues aux différents concours auxquels elle a participé en 2018 – Congrès International du Rhum de Madrid, Top Rhum – la distillerie poursuit son chemin avec la même inventivité et liberté :

« Je travaille sur des alcools plus purs qui nécessitent moins de transformation. Ma volonté est de faire découvrir des saveurs autour des plantes, des fruits et des légumes. Depuis un an, je ne produis que des petites séries orientées sur des goûts spécifiques. Le Rhum constitue mon cœur de marché avec une gamme élargie par rapport à 2017 – comme en témoigne le récent embouteillage d’Humble en brut de fût titrant 70° – Les Esprits de bière suivent le même engouement pendant que le futur whisky de la distillerie poursuit son vieillissement. » Baptiste François.

En plein embouteillage d’un Esprit de bière vieilli en fût de Rhum au moment de l’entretien, Baptiste François travaille également sur une Stout mutée à l’esprit de bière, une fine de Côte du Rhône et un Calvados… Mais pas seulement !

« Je mène actuellement un projet sur un alcool qui ne se distille pas encore en France. » B. F.

 

Vivant

La marque naît de la rencontre entre David Mimoun et Jean François Decroix il y a 6 ans. Passionné de nature, David découvre avec enthousiasme les Cognacs de Jean-François. Les deux hommes travaillent alors à la confection d’un Cognac 100% bio qui intègrera la jeune marque de spiritueux créée par David : Vivant.

« On retrouve en général 8 à 15 gr/L de sucre dans les Cognacs disponible à la vente. Chez nous, c’est 0 gr/L. » David Mimoun.

Depuis, Vivant constitue un levier intéressant de conversion en bio pour les agriculteurs puisqu’elle valorise leur production et encourage la polyculture :

« Mon attrait pour le bio date d’il y a dix ans. La naissance de mon fils a contribué à la mise en place de ce bon sens. Je souhaite offrir d’autres débouchés aux producteurs agricoles. Aujourd’hui, Vivant rémunère l’orge bio 2,5 fois plus que l’orge produite de manière conventionnelle. » D. M.

2019 sera l’année du lancement d’un Rhum mexicain, transporté à la voile jusqu’à Bordeaux. Ce voyage transatlantique, opéré par le transporteur à voile TOWT, devrait être une première dans le monde des spiritueux bio.

Pour celles et ceux désireux d’aller plus loin…

Le Manifeste des Gnôles Naturelles
http://gnolenaturelle.eu/

Distillerie O’Baptiste
https://obaptiste.com/

Vivant
https://www.alcools-vivant.com/

L’Atelier du Bouilleur
https://www.atelier-du-bouilleur.fr/fr/?lang=fr

Distillerie Edelweiss
http://www.devenir-distillateur.com/blog/edelweiss-distillerie/