Si la France du whisky fût d’abord celle des Bretons et des Alsaciens, elle s’étend désormais à l’ensemble du territoire. Parmi les régions les plus dynamiques, le Cognaçais se distingue particulièrement. À terme, sa vitalité pourrait modifier en profondeur les équilibres de cette filière toujours en croissance, lui offrant notamment une visibilité à l’international doublée d’une maîtrise commerciale hors-pair.
Parmi les acteurs historiques de cette région, Bercloux, Fontagard ou Daucourt ont déjà fait preuve de leur engagement dans la confection de whisky. C’est désormais au tour de la Maison Boinaud d’entrer dans cet univers. Indépendante et familiale, la distillerie s’est d’abord concentrée sur le vieillissement de whiskies français, écossais et anglais en fût de Cognac. À terme, elle disposera d’une majorité de whiskies issus de sa propre production.
Pour mémoire, l’histoire liant la famille Boinaud à la viticulture/distillation débuta en 1640, à Bois d’Angeac, avec Jean Boisnaud. Quatre cents ans plus tard, la Maison Boinaud est le plus grand vignoble familial de la région avec 420 ha de vignes en Grande-Champagne. La distillerie compte 41 alambics (39 de 25HL et 2 de 13HL) et plus de 25 000 fûts – issus en partie de sa propre tonnellerie – en vieillissement. En parallèle du whisky, Rémi Boinaud, le maître-assembleur des lieux, veille à la confection des autres spiritueux de la Maison : Cognac, Armagnac, Brandy, Vodka, Vin de Liqueur et bitters.
Multi médaillée (IWSC Gold, World Cognac Awards, International Spirits challenge, Vinalies, CGA Paris, etc.), la Maison Boinaud est également à la pointe en matière de normes et de certifications (ISO 9001, ISO 14001 pour l’Environnement, ISO45001, Haute Valeur Environnementale de niveau 3).
📣 Compte rendu d’entretien avec les représentant(e)s de cette illustre Maison de Cognac.
- Pour quelles raisons un acteur majeur du Cognac se lance dans la production de whisky ?
« Notre démarche s’est amorcée il y a plusieurs années en réponse à des demandes clients et une volonté assumée de démontrer notre savoir-faire sur d’autres spiritueux.
C’est aussi un excellent moyen de se diversifier et de proposer une offre plus complète à nos partenaires, tout en mettant à profit notre esprit d’innovation avec un spiritueux moins contraint sur sa législation que le Cognac.
Nous pouvons aussi parler d’enjeu industriel puisque cela nous permet d’utiliser notre outil de production sur une période habituellement creuse (distillation post vendanges/vinification jusqu’au 31 Mars pour le Cognac).
Enfin cela nous offre un moyen de valoriser certaines terres agricoles avec de la culture d’orge. »
- Quels sont les principaux défis auxquels vous avez répondus pour y parvenir ?
« Nous avons dû apprendre à travailler l’orge, bien différent du raisin ! C’est une matière fragile, nous avons dû sélectionner les orges pour obtenir la qualité voulue. Notre œnologue a travaillé ensuite différents types de levures, de brassins pour obtenir différents profils aromatiques…
Nous avons tâtonné sur les méthodes de distillation pour maitriser le profil que nous voulions donner. Cela a été un beau challenge au niveau humain pour les équipes qui ont pu acquérir de nouvelles compétences et découvrir d’autres facettes du métier. Ils en tirent beaucoup de satisfaction et ont la sensation de préparer l’avenir pour constituer un patrimoine avec lequel les prochaines générations pourront se montrer tout aussi créatif ! »
- En quoi votre expérience dans la production d’autres spiritueux vous aide dans la confection de whisky ?
« Nous avons un savoir-faire sur le Cognac qui n’est plus à démontrer, des équipes expertes et un outil de production assez colossal (41 alambics). Les équipes étaient ravies de s’impliquer sur un autre type de produit, et de s’affranchir de certaines contraintes que nous avons sur la production de Cognac pour innover complètement. Avec le whisky le territoire d’expression est immense et la créativité totalement libre. »
- Le vieillissement d’un whisky est-il pareil à celui d’un Cognac ?
« Là encore les possibilités sont multiples et beaucoup plus libres comparé au vieillissement du cognac ce qui nous permet d’être inventif et de se faire plaisir sur le territoire d’expression de notre créativité avec des fûts de différentes natures. »
- Quelle signature/style souhaitez-vous que l’on retrouve dans vos whiskies ?
« Nous ne voulons pas proposer de whiskies de niche, ultra typés, l’idée est de proposer comme pour nos cognacs des whiskies très qualitatifs, rond et accessible pour que chacun prenne plaisir à les découvrir. Le but est de montrer notre savoir-faire à travers divers profils qui puissent intéresser différents publics. »
- Où pourra-t-on acheter votre whisky ?
« Il sera inévitablement disponible en France en grande distribution et avec d’autres versions sur une distribution sélective. Notre ambition est aussi de le porter à l’export sur nos réseaux actuels de distribution. »
- Quels seront les leviers à activer pour faire de votre ambition zéro produits phyto à horizon 2030 une réussite ?
« Le processus est déjà pleinement initié et nous impliquons tous nos partenaires viticulteurs dans cette démarche. Nous proposons des soirées partenaires sur 2 jours tous les ans, avec de l’information sur nos recherches et essais alternatifs et les formons sur l’application de ces méthodes pour une meilleure gestion des traitements et du vignoble lui-même. »