Installée depuis mai 2023 dans les anciens abattoirs de Lannion (Côtes-d’Armor), la tonnellerie Lefloch perpétue un savoir-faire ancestral, sous l’impulsion de la distillerie Warenghem. Unique en Bretagne, l’atelier relance la fabrication de fûts sur mesure, portée par Benjamin Lefloch, le dernier tonnelier de Bretagne, qui succède à son père Jean-Baptiste.
Après un apprentissage de 2012 à 2014 dans le Gers, au cœur de l’Armagnac, Benjamin enchaîne diverses expériences professionnelles en Champagne, puis dans le Sud-Ouest. De 2018 à 2023, il s’installe à Brive-la-Gaillarde, où il occupe un poste à responsabilité dans une foudrerie*. Mais lorsqu’un jour la distillerie Warenghem le contacte pour lui faire part de leur projet -Reprendre le matériel de son père et installer la tonnellerie LeFloch à Lannion – Benjamin sait qu’il est temps de revenir en Bretagne pour prendre la relève familiale.

« Ici, tout est réellement artisanal ! Pour nous, il était important de garder ce savoir faire dans la région c’est pour cela que nous avons porté ce projet » raconte David Roussier Directeur de la distillerie Warenghem.
Artisanal, c’est effectivement le moins qu’on puisse dire. Chez Lefloch, on est loin des tonnelleries moderne ou chaque tache et automatisé. Ici Benjamin travail seul, avec un vieux parc de machine dont certaines dates de plus d’un siècle !
« Au début de l’ère industrielle, la tonnellerie, elle, s’est industrialisée très rapidement, car à l’époque, il n’y avait pas de contenant en métal ou en Inox. La pétrochimie n’existait pas donc pas de plastique non plus ! Dans certaines usines, tout passait par les fûts c’est ce qui explique que la tonnellerie a connu une industrialisation rapide et qu’il existe des machines anciennes qui sont encore aujourd’hui extrêmement efficaces. » Explique Benjamin.
Parmi les machines, l’une d’elles date de la fin du XIXe siècle : elle sert à usiner les douelles et porte la signature d’Anthon & Söhne, une compagnie allemande qui a largement contribué à la modernisation de la tonnellerie.
Quelques mètres plus loin, on découvre une doleuse centenaire, qui rappelle l’existence d’un métier aujourd’hui disparu : celui de doleur, situé entre le mérandier et le tonnelier, dont la mission était de préparer les douelles avant leur assemblage en atelier !
À l’extérieur, le parc à bois abrite les merrains qui sèchent à l’air libre pendant au moins trois ans. Benjamin travaille avec un artisan mérandier en Normandie ; son objectif est de privilégier autant que possible le bois breton, mais la tonnellerie utilise également des essences provenant d’autres régions, notamment la Normandie. Cela dit, l’expression du terroir ne saurait se limiter à l’origine du chêne, elle s’exprime aussi lors de cette phase de repos. En restant exposé au vent et à la pluie, le chêne se débarrasse naturellement de ses tanins indésirables. Une microflore — composée de bactéries, levures et champignons — se développe alors, favorisant une activité enzymatique qui enrichit le bois en composés aromatiques. Ainsi, le lieu de séchage joue un rôle central et participe pleinement au terroir de la future eau-de-vie. Par exemple, la pluviométrie bretonne (au hasard) diffère fortement de celle d’autres régions françaises, ce qui influence directement le caractère et l’aromatique du bois !
Grâce à sa petite taille, la tonnellerie permet une approche sur-mesure pour chaque barrique : type de bois, dimensions, chauffe, carbonisation, etc. Son premier client, la distillerie Warenghem, mène d’ailleurs un grand nombre d’expérimentations fascinantes en faisant varier certains de ces paramètres. Il faut dire que le chêne breton, en plus d’apporter une élégante structure épicée à l’Armorik Double Maturation, a déjà donné naissance à deux éditions d’Armorik Dervenn particulièrement réussies !
Et l’histoire ne s’arrête pas là. À côté de la bouverie — le dernier lieu de passage des animaux, aujourd’hui reconverti en tonnellerie — David Roussier prévoit d’installer une microbrasserie/distillerie et un lieu convivial où l’on pourra déguster de la bières et du whiskys !
« Le milieu de la distillation, de la viticulture, de la production d’alcool en général, est un univers chaleureux, joyeux, vivant… et la tonnellerie en fait pleinement partie ! », aime à dire Benjamin. Une philosophie de vie qui ne tardera pas à s’incarner pleinement dans ce futur site de Lannion qui s’annonce d’ores et déjà incontournable !
* Une foudrerie est un atelier ou une entreprise spécialisée dans la fabrication, l’entretien ou la réparation de foudres. Un foudre est un très grand tonneau en bois, utilisé principalement pour la vinification ou l’élevage de vins, de bières ou de spiritueux. Contrairement aux fûts classiques, un foudre peut contenir plusieurs milliers de litres.