Électron libre de la distillation et membre fondateur du mouvement des Gnôles Naturelles, c’est toujours avec plaisir que nous relayons l’épopée éthylique de Baptiste François. Entre le déménagement de sa distillerie et la sortie de son premier et unique whisky, il est temps de faire le point !
Baptiste, pour quelles raisons as-tu décidé de quitter Valence pour t’installer à la campagne ?
J’avais un bail de location de 2/3 ans à Valence et devais déménager fin 2019. C’est ma famille, alors présente dans le Cantal, qui m’a convaincu de déménager pour m’installer sur la commune de Saint-Étienne-de-Chomeil. L’envie de vert appuyait cette démarche.
Baptiste François, 01/09/2020
Quelles opportunités/défis t’offre ce nouvel environnement ?
J’ai le réseau familial ici. Le monde vient tout seul. J’ai reçu plus de monde en Mai ici qu’en 6 mois à Valence. Tous ceux qui habitent dans le Cantal se rendent à la distillerie. Je bénéficie également du tourisme et de la proximité de la commune des producteurs de gentiane Avèze (Riom-ès-Montagnes). Visites de la distillerie et ventes directes se sont développées naturellement. Dans le Cantal, il y a une culture d’eau de vie et d’apéritifs que je n’avais pas à Valence.
Baptiste François, 01/09/2020
Le principal défi est de s’installer dans ces nouveaux locaux tout en continuant à faire tourner la distillerie, accueillir et accompagner des projets de distilleries et veiller à la plantation des fruitiers.
Déjà trois ans que tu t’es lancé à ton compte. Comment as tu évolué dans ta pratique et ta philosophie de métier ?
Il y a eu un changement d’identité il y a un an : j’ai démarré la distillerie pour accomplir un projet personnel et retrouver une activité qui me plaît. Je vis à contre rythme. Dans une société du toujours plus vite, la distillation demande d’aller toujours plus lentement. J’ai un autre rapport au temps.
L’affirmation de tout ce qui est économie rurale et paysanne – circulaire et de récupération – s’est accrue. On transforme, rien ne se jette ! Je m’éloigne du syndrome de surconsommation. La distillation est un produit d’économie rurale/paysanne. C’est un incroyable outil de recyclage au sens noble du terme. J’aime trouver des solutions pour valoriser la matière première jusqu’au bout : c’est pour cela que je provoque sur le côté whisky même si je continuerai à faire du whisky à façon.
Cette année, j’avais à cœur de changer toutes mes références et de ne préserver que mon rhum ambré et mon esprit de bière. J’ai fait le choix de ne travailler qu’avec des fûts neufs pour faire mes propres vieillissements de bois en interne et vieillir mon esprit de bière dans le fût de rhum. J’aime jongler avec les fûts en interne. Je travaille désormais avec la tonnellerie Allary, dans le Cognacais. Ceux sont également eux qui m’ont fourni le foudre pour réparer l’alambic Deroy.
Baptiste François, 01/09/2020
Ton seul et unique whisky sera disponible à la vente en Août. Pourquoi as-tu décidé de n’en produire qu’un seul ?
En effet, ce sera le seul sous mon nom. Je considère qu’il y a deux schémas dans les spiritueux : le monde de la gnôle (antique, paysan, populaire) et les spiritueux « bling bling » (symbolisés par le craft spirit, les salons hors de prix). Il n’y a pas l’entre deux de la consommation courante, accessible et de bonne qualité. Il faudrait théoriser cela, pourquoi n’y a-t-il pas cet entre-deux ? Un gros travail de popularisation reste à faire. Je ne vais pas m’ennuyer durant les 40 prochaines années.
Baptiste François, 01/09/2020
De nombreux lecteurs nous font part de leur souhait de devenir distillateur. Quels conseils peux-tu leur donner ?
Faire un stage chez un distillateur puisqu’on ne peut pas de suite acheter d’alambic. La distillerie génère entre 30 et 50% d’administratif en plus que les autres entreprises… On fonctionne à l’envers, il y a beaucoup de papiers avant d’acheter un alambic et de commencer à produire. Il y a beaucoup de demandes de stages mais pas ou peu d’école pratique. Pourquoi ne pas créer un compagnonnage pratique des spiritueux ? Dans le milieu agricole, il y a des « espaces test ». Nous pourrions mettre en place des dispositifs similaires pour la distillation… Les alambics tournent la moitié du temps ici, on pourrait les utiliser autrement.
Baptiste François, 01/09/2020
Quel avenir pour les distilleries en France ?
Il y a un potentiel de développement. Quand on voit le volume de bonnes gnôles et eau-de-vie par rapport au volume de rhums et de gins bas de gamme…
La complexité administrative restera un frein et les contrôles très présents. De nombreux distillateurs ont le sentiment d’être présumés fraudeurs avant même de débuter.
Je rêve que les producteurs de fruits aient des alambics chez eux.
Baptiste François, 01/09/2020
Est il encore possible d’innover sur ce segment ?
Oui ! Il faut venir à la distillerie déguster des gnôles atypiques. En terme d’alcool, de matière première, il y a beaucoup à expérimenter. Une eau-de-vie au goût de champignon ? Ceux qui aiment cuisiner se régalent, l’eau de vie de shochu est ma deuxième vente ! Sur les fruits, les saveurs, les types de bois, il y un univers à explorer.
Sur le matériel, il y a la possibilité d’innover mais convient-il d’innover pour innover ? Tout est question de philosophie. Avec une Deuch tu peux faire le tour du monde tandis qu’avec une Ferrari tu peux te planter au premier tournant.
Baptiste François, 01/09/2020
Quels sont tes souhaits/volontés pour la distillerie en 2021 ?
C’est la mise en place et le redémarrage de mes deux alambics Deroy. J’ai trois alambics en cuivre portugais (50, 300 et 500L) et deux alambics Deroy de 1919 (440L chacun, chauffe directe au bois) pour marc, pulpe et autres. Il y a du travail pour les retaper. Je les ai découverts sur leboncoin. C’est le réseautage qui m’a permis de tomber sur eux. J’ai de la chance de les avoir. S’ils étaient à refaire, ce serait 30.000€… Pourquoi ne pas les classer « monument de collection » ? Une fois ces alambics mis en place je jouerai sur d’autres aromatiques.
Je suis désormais à 850m d’altitude. Les aromatiques ont changé avec le déménagement et il me paraît de difficile prévoir le goût du whisky. Il y a encore énormément de chose à apprendre. Le travail du bois ne se voit qu’à la fin. Beaucoup de paramètres fluctuent avec le temps. Prévoir se fait de manière empirique. L’expérience est nécessaire dans ce métier.
Comme toujours, ce qui m’agace, c’est qu’il faudrait tout de suite se tourner vers la mode des spiritueux sans alcool. Pour moi, c’est le même débat que le fromage sans lait ou le steak sans viande… Les producteurs vont se faire manger par plus de marketing. Il faut se mettre sur le créneau avec les douanes !
Baptiste François, 01/09/2020
Plus d’informations sur la distillerie Baptiste disponible sur :
👉 Le site internet de la distillerie
👉 La plateforme de distribution collective de distilleries de Gnôles Naturelles : Atelier du Bouilleur, Cœur de Cuivre et Distillerie BAPTISTE.