Uisce De Profundis – Le vieillissement sous-marin signé Benjamin Kuentz

Après le Guip, son embouteillage réalisé en partenariat avec le chantier naval du même nom, l’éditeur de whisky Français continue de regarder vers la mer, mais cette fois-ci, il franchit une frontière de taille !
 
En effet, Benjamin vient de lancer une campagne de crowdfunding pour financer « Uisce de profundis », un whisky affiné dans les profondeurs de la mer d’Iroise,  au large de la pointe saint-Mathieu dans le Finistère.
 
Mais de quoi s’agit-il exactement ?
La Pointe Saint Mathieu. Crédits : BERTHIER Emmanuel

Le whisky Français :  Bonjour Benjamin, comment t’est venu cette idée de vieillissement sous-marin ?
Est-ce dans la lignée de ce qu’on a connu dans le monde du vin ? 
 
Benjamin Kuentz : Comme souvent dans mes créations, c’est au hasard d’une rencontre que me vient l’idée.
Une équipe faisant vieillir vins et champagnes sous la mer à côté de chez moi en Bretagne est venue me voir pour me demander si je voulais essayer de faire vieillir du whisky sous l’eau.
J’étais à la fois curieux de savoir s’il y avait un impact mais aussi très réservé par rapport à l’impact qu’il pourrait y avoir. Évidemment, ma curiosité et mon envie de creuser de nouvelles voies l’ont emporté et j’ai fait l’essai.
Surtout que c’était une époque où je cherchais une manière différente de donner une continuité au whisky le Guip pour en créer une version 2.
 
LWF : Y a-t-il déjà eu des whiskies vieillis sous l’eau ou la France est elle la première à tenter l’expérience ?
 
BK: A ma connaissance, concernant le whisky : non. Je crois que je suis le premier à le faire en France et dans le monde.
 
LWF : Pour le Guip nous étions sur un distillat signé Warenghem élevé en fût de Bourbon, est-ce le cas ici également ?
 
BK : ah ah ah ! c’est un petit secret cela 🙂
J’ai fait des essais avec différents distillats. Sur certains whiskies, le vieillissement sous la mer n’est pas du tout intéressant. Cela casse l’équilibre du distillat. En l’occurrence, j’ai fait des essais avec des distillats lorrains et bretons. 
 
LWF : S’agit-il de bouteilles plongées sous l’eau ou bien de fûts ? On suppose que le résultat est différent, le fût étant en interaction plus direct avec son environnement.
 
BK : j’ai mis les 2 sous l’eau : fût et bouteilles.
Je réalise des essais diverses actuellement. Et oui le résultat est différent. Je ne pensais pas qu’il y ait de résultat sur le whisky immergé en bouteille et pourtant si. Il y a également un impact très intéressant à travailler suivant le type de distillat mis à l’eau.
Je fais encore beaucoup de recherche sur ce type d’affinage (type de distillats, de contenants, de durée) car tout n’est pas bon à prendre et il y a encore beaucoup de perte.
 
 
 
LWF : Y’aura t’il un assemblage pour homogénéiser le tout ou chaque lot/bouteilles sera unique ?
 
BK : Oui, je me suis rendu compte que c’était essentiel. Car chaque bouteille et fût mis à l’eau réagit différemment.
Mon souhait est de proposer des whiskies au goût unique mais également constant d’une bouteille à l’autre sur une série commune.
D’autant plus que le coût de production étant décuplé pour faire ce whisky, la répercussion sur le prix consommateur est très importante.
Je ne peux me permettre de proposer des bouteilles différentes les unes des autres avec le risque qu’une bouteille ait moins bien réagi à son affinage sous-marin.
Par conséquent, une fois les bouteilles et fûts sortis de l’eau, je refais donc un assemblage en me basant sur les distillats immergés afin de trouver l’équilibre parfait que je recherche.
Je l’utilise comme un chais sous-marin finalement.
 
LWF : Quels sont les arômes obtenus par un tel vieillissement ? As-tu été surpris du résultat ?
 
BK : j’ai été très surpris du résultat !
J’ai même mis un an à vraiment me remettre sur ce goût afin de voir ce que je pouvais en faire.
Je m’attendais à une direction droite et sèche et j’ai obtenu une certaine souplesse dans la texture avec bien entendu une fraîcheur marine inédite à mon sens dans le whisky.
C’est un goût très plaisant, en tout cas pour moi. J’ai partagé quelques bouteilles que je trouvais exceptionnelles avec des amis pour avoir leur avis et voir si cela les émerveillait autant que moi.
Leurs retours ont été unanimes et cela me pousse à continuer.
Cela m’apporte un nouveau panel de goût pour créer mes assemblages.
 
 
LWF : Au total, combien de bouteilles seront produites ?
 
BK : Cela va dépendre de la réaction de l’affinage sur les bouteilles. Je suis encore en phase de découverte sur ce nouveau type d’affinage. Il y a de la perte sur les bouteilles que je mets au fond car la pression est assez forte.
Suivant le format, la durée d’immersion, le type de contenant mis à l’eau, les impacts sont vraiment différents. Je dois sortir 200 bouteilles cet été mais ne sais pas si elles seront toutes au niveau de ce que je peux attendre de cet affinage. Je pense pouvoir embouteiller 100 bouteilles cette année. Pour l’année prochaine, nous devrions en proposer plus à la vente.
 
LWF : Et enfin, comment se procurer ce petit trésor marin ?
 
BK : 🙂 pour les impatients, j’ai lancé une campagne de préventes sur le site www.kisskissbankbank.com / projet uisce de profundis début août qui se terminera mi septembre. Je mets en vente les bouteilles à un prix primeur pour 2020 et pour 2021 également.
Sinon, il faudra attendre novembre prochain et se les procurer sur mon site ou chez les quelques cavistes qui en auront. 
 
Merci beaucoup Benjamin et surtout bonne continuation dans cette aventure passionnante.