Bordeaux Distilling Co : l’Aventure du Rye Whisky à la française

Vous en avez probablement entendu parler : la distillerie Bordeaux Distilling Co a récemment lancé ses premiers whiskies ! Des Rye whisky nommés Aventure qui ont déjà fait grand bruit portés notamment par l’image de Jean Dujardin, l’un des quatre associés à l’origine du projet. Mais la présence d’une icône du cinéma français ne doit pas éclipser le travail remarquable, sur le plan technique, de cette distillerie bordelaise ! Discussion avec Antoine Gravouil, directeur de la distillerie !

« Jean est un ami et un voisin, il a rejoint le projet il y a plusieurs années. C’est un bon vivant et un fervent défenseur du made in France. Il a tout de suite adoré notre petite structure et le projet l’amusait ! Sa présence va nous mettre en avant, mais pas seulement nous. D’une certaine manière, cela peut mettre en lumière toute la filière et c’est très positif. »

Antoine Gravouil

Initié en 2018 par Antoine Gravouil, Olivier Carsoule et Éric Lafon, la distillerie située dans le quartier de Bacalan à Bordeaux va dès le départ faire le choix d’une céréale moins réputée que l’orge et nettement plus complexe à travailler : le seigle !

Pour se fournir, la distillerie travaille avec la Malterie Artisanale Malt’in Pott en Savoie qui leur procure du seigle 100 % malté que l’équipe mélange avec des proportions plus ou moins importantes d’orge malté.

Pour tirer le meilleur du seigle, l’équipe ne recule devant rien. Les fermentations sont particulièrement longues (7 jours et plus), et la distillation est effectuée en une passe dans un alambic Carl de 750 litres a chauffe indirect doté d’une colonne à 6 plateaux et d’un agitateur. Fait original, toutes ces étapes sont réalisés en conservant les grains dans le brassin. Cette méthode présente l’avantage de ne pas se casser la tête lors de la filtration, et tous les brasseurs savent oh combien cette étape peut s’avérer pénible lorsqu’il s’agit de seigle. De plus, cela permet d’enrichir le distillat en esters, mais en revanche, les vinasses contiennent beaucoup d’éléments solides et le nettoyage n’est pas de tout repos !

 

L’Alambic Carl de la distillerie. Crédits photo : https://bordeauxdistilling.co/

« Notre ADN, c’est le rye, et nous avons conçu tout notre matériel en conséquence : diamètre des pompes, agitateurs, etc.
En France, le rye est encore peu connu ; en fait, nous sommes surtout un pays buveur de single malt écossais, mais néanmoins, le seigle suscite un véritable intérêt auprès des consommateurs, notamment pour la mixologie, mais pas seulement !
En somme, nous avons toujours été « biberonnés » au scotch, il est temps d’ouvrir de nouvelles perspectives ! »

Après quelques expressions âgées de moins de trois ans, donc pas encore des whiskies, embouteillées sous l’étiquette Black Wall, la distillerie a finalement décidé de changer de nom pour ces whiskies et de créer la marque Aventure !

« On voulait trouver un nom qui résonne bien, français mais aussi compréhensible à l’export. Aventure, ça fonctionnait à plusieurs titres : une aventure humaine entre amis, une aventure semée d’embûches car monter une distillerie, ce n’est pas simple ; mais aussi une aventure du goût, avec une proposition aromatique encore peu connue en France. »

Les premières expressions de la distillerie se déclinent en trois whiskies distincts :

  • Aventure N°01 – Chêne Français affiche un mashbill contenant 61,7 % de seigle, une pointe de sarrasin et un vieillissement de 4 ans en fûts de chêne français. C’est un whisky qui assume pleinement sa matière première, bardé de notes céréalières et accompagné d’épices douces !
  • Aventure N°02 – Chêne Américain, plus riche en seigle (80 %) et élevé 3 ans en fûts américains carbonisés (Char 4). Celui-ci s’inscrit dans le pur style des rye américains avec des notes de vanille et de caramel grillé.
  • Enfin, Aventure N°03 – Double Cask, c’est la même base que le numéro 01 mais qui bénéficie d’un double vieillissement, avec 3 ans en fûts de chêne français suivis de 2 ans en fûts de Grand Cru bordelais, ici du Pauillac, pour un total de 5 ans d’âge. Un whisky riche et complexe : aux arômes de céréales s’ajoutent des fruits noirs (mûre et myrtille), puis des notes de cacao et de cuir apportent une belle longueur !
Crédits photo : https://www.williamplin.fr/

Des whiskies de trois à cinq ans donc, mais ce serait une erreur de les considérer comme jeunes, d’abord parce qu’à la dégustation, ils affichent une grande maturité et une belle complexité, ensuite, car les rye whisky excèdent rarement ces comptes d’âge outre-Atlantique, mais surtout, car la part des anges est considérable à la distillerie ! Le chai urbain non régulé affiche une température qui oscille de 5 °C en hiver à 50 °C en été et la part des anges annuelle moyenne est de 7 à 8 %. Un tribut considérable payé au petit chérubin bordelais que l’équipe a décidé de rendre public en l’affichant directement sur les étiquettes ! Ainsi Aventure 01 affiche une part des anges à 19,15 %, Aventure 02, 13,75 % et Aventure 03, avec ces deux ans de plus : 27,5 % !

« Ça bombarde vraiment en termes de vieillissement. Sur chaque expression, on tient compte de la part des anges cumulée, c’est au moins aussi important que la notion d’âge. Si notre part des anges était comparable à celle de l’Écosse, il nous faudrait des années pour obtenir le même résultat ! »

L’Aventure ne fait que commencer. Antoine et son équipe travaillent déjà sur des projets passionnants, notamment des whiskies issus à 100 % de seigle malté et des expérimentations sur les essences de chêne. Loin d’être un coup marketing, Bordeaux Distilling se révèle être une distillerie des plus intéressantes. Son approche innovante du rye whisky, à la française, démontre une véritable maîtrise artisanale. Avec les whiskies Aventure, elle ouvre de nouvelles perspectives et apporte de la visibilité pour le whisky français.

 

Crédits photo de couverture : https://www.williamplin.fr/