C’est à la suite d’une conférence sur le « maltage » que l’équipe du Whisky-Français vous propose de revenir sur cette étape fondamentale dans la confection du whisky… Et de la bière !
Cet article sera le premier d’une série consacrée au maltage. Bonne lecture ! 😉
- Le maltage, quez aco ?
C’est l’opération (orchestrée par la malteur) au cours de laquelle la céréale se transforme en malt. La céréale passe ainsi de l’état brut à celui de céréale traitée (germée et touraillée), libérant ainsi les sucres fermentescibles nécessaires à la confection du whisky.
- Quelle(s) céréale(s) pour le maltage ?
Toute céréale peut être maltée ! Orge (richesse aromatique), seigle (touche épicée), blé (notes légères, florales) et avoine (rondeur) comptent parmi les principales variétés utilisées dans l’élaboration du whisky. Le maïs, contrairement aux précédentes céréales, ne peut se malter. Il subit donc une « cuisson à la vapeur » permettant la transformation l’amidon qu’il contient en sucres fermentescibles.
L’orge occupe une place particulière dans le maltage. Difficilement panifiable, elle fût d’abord utilisée en tant qu’ingrédient de base dans la confection de la bière. Elle était également utilisée en tant que nourriture de base du bétail, n’en déplaise au bœuf de Kobe ! Il existe plusieurs variétés d’orge (différenciées par le nombre d’épis disposés le long de la tige centrale et le nombre de grains par épi) dont 3 principales sont utilisées dans la confection du malt . En Europe, c’est surtout l’orge à 2 rangs qui est utilisée. Dans sa forme brute, la qualité de l’orge est estimée selon 4 critères: son arôme, sa taille, la forme de ses grains et sa barbe (= les « poils » raides situés sur la pointe de l’épi).
- Quelles sont les étapes du maltage ?
- Préparation de la céréale : dans le cas de l’orge, plusieurs semaines/mois s’écoulent entre sa récolte et le maltage. La céréale entre dans un état de dormance durant toute cette période.
- Trempage: la céréale est soumise à des phases d’humidification et d’oxygénation dans le but d’activer l’embryon (la future plante) et déclencher la transformation de l’amidon en sucres fermentescibles. Cette étape du entre 2 et 3 jours.
- Germination: les céréales sont placées dans une zone de stockage où la germination débute. L’apparition de radicelles (enlevées par la suite) sur les graines témoigne de cette transformation. À ce moment, l’orge est appelée « orge verte ». Les céréales sont remuées (environ toutes les 8 heures) tout au long de leur séjour en zone de stockage dans le but de minimiser les risques de pourriture. Dans le cas de l’orge, la phase de germination est stoppée après 7 jours.
- Séchage: étape déterminante dans la nature du malt. La durée et l’intensité (de la température) du séchage déterminent les différentes variétés de malt : du plus pâle au plus grillé. La chauffe est progressive dans le but de ménager les sucres contenus dans l’orge verte. Dans le monde du whisky, c’est cette étape qui détermine si le produit final sera « tourbé » ou non. Le combustible et la méthode de séchage (à l’air chaud ou sur feu de tourbe) revêtent alors une importance capitale dans le profil organoleptique du malt.
- Concassage: le malt est broyé jusqu’à l’obtention d’une farine (appelée « grist » chez nos confrères Écossais). Cette farine est alors composée de 20% de balle (l’enveloppe du malt), 70% de gruau (mouture grossière) et 10% de farine de malt.
NB1 : Un whisky peut aussi être élaboré à partir de céréales non maltées (orge/blé cru). Pour cela, il suffit d’ajouter une part de malt (environ 10%) à la mouture avant brassage et fermentation.
NB2 : Les brasseurs préfèrent en général les malts d’hiver (= l’orge semée l’hiver, plus robuste et au goût parfois perçu comme plus affirmé) pour la confection de leur bière.
- Le malt dans l’économie de la bière… Et du whisky !
- XIXe siècle
1ère moitié du XIXe siècle : les malteurs sont aussi brasseurs. Ils opèrent en petites unités, réparties sur tout le territoire.
2nd moitié du XIXe siècle : un phénomène de concentration s’opère dans l’industrie du malt. Malteur et brasseurs vont peu à peu dissocier leurs activités (« brasser » étant plus rentable que « malter »). On assiste alors à une chute du nombre de malteur (uniformisation de l’offre) allant de paire avec la formation des premières grandes brasseries. L’enjeu pour les malteurs est alors de proposer une offre en malt aussi variée que de qualité constante pour répondre aux besoins des grands groupes brassicoles.
- XXe siècle
Le processus de concentration se poursuit. L’unité de livraison appliquée par les malteurs aux brasseurs (devenus des grands groupes entre temps) est le semi-remorque ou la péniche.
NB : en France, les grandes malteries sont toutes situées au Nord de la Loire.
- XXIe siècle
C’est le retour en grâce du modèle « malteur-brasseur » expliqué par :
– le besoin croissant de variété sur un marché marqué par la standardisation du goût.
– le développement du mouvement « craft » (initié à la fin des années 1970 aux USA).
– la demande des brasseurs artisanaux qui s’exprime en « sac de malt » et non en « semi remorque de malt». Les brasseurs artisanaux ont ainsi pour option de s’approvisionner à l’étranger (Belgique, Allemagne, Angleterre), de fabriquer leur propre malt, ou de travailler avec un micro-malteur local.
– la volonté des acteurs du monde agricole de valoriser les produits de leur filière en fabriquant leurs propres bières. On assiste alors à la naissance du modèle de ferme-brasserie. La famille Sargeret a été pionnière dans ce segment avec l’ouverture de la Ferme Brasserie du Vexin dans le Val-d’Oise. On pourrait également citer la brasserie Garland (Tarn), Rarécourt (Meuse), La Chaumont’Oise (Oise) et La Bourdette (Haute-Garonne).
– le développement de la demande en produits issus de l’agriculture biologique et du terroir.
Parallèlement aux évolutions liées au monde brassicole, l’essor du whisky Français contribue également au dynamisme de l’industrie du malt (il est plus rentable pour les malteurs de vendre à des distillateurs qu’à des brasseurs). Les multiples partenariats noués entre distillateurs et malteurs-brasseurs contribuent ainsi au développement harmonieux des deux industries… Qui n’en forment parfois qu’une ! (cf Dreum, Ninkasi, et bientôt Lancelot !).
- Quelle est la place de la France dans le maltage ?
La France est le 1er exportateur mondial de malt. Son industrie, dominée par de grands groupes tels que Soufflet (8 malteries, anciennement 9), Malteurop (4 malteries en France), Cargill (1 site à Strasbourg) et Axéréal (via sa filiale Boortmalt) tend à se diversifier et intégrer une part croissante de petites unités de production (fonctionnant au niveau local).
Méconnue du grand public (malgré son statut de force vive), l’industrie du malt est en train de vivre micro-révolution encouragée par le développement du whisky Français. Les besoins de territorialité, diversité et authenticité contribuent au développement de structures interconnectées à l’échelle locale et au rayonnement régional. Le grand gagnant de cette « mue » de l’industrie du malt est donc le GOÛT… Et le whisky! Peut on se mettre à rêver d’une France où le nombre de whisky produit équivaudrait à celui de fromage ? L’industrie du malt apportera sa pierre en ce sens 😉
Santé !
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Sources
Maison du Whisky. Whisky Le Guide de l’Expert. Flammarion, Paris 2015.
Michael Jackson. La Bière. Éditions Gründ. 2008, Le Spécialiste.
Gilbert Delos. Planète Bière 2017, Le Maltage. 26 Mars 2017, Paris.