Visiter plus de 30 distilleries en 18 jours… Vous en avez rêvé ? Fab Arm l’a fait. Retour sur une épopée de 5500km riche en rencontres, partage et découvertes.
- Fab, quelques mots sur toi et ton parcours ?
F. A. « Je suis entrepreneur dans plusieurs domaines, dont le whisky, dans lequel je me suis spécialisé. Mon travail dans l’univers des spiritueux a débuté il y a 12 ans, à la suite d’une licence en sciences mécaniques (Toulouse) et d’un master en management international (Pays de Galle). Après une carrière dans le groupe Pernod-Ricard, j’ai fondé plusieurs entreprises dont The Single Cask Pte Ltd à Singapour. J’exerce également en tant que consultant whisky et F&B où j’accompagne des entrepreneurs dans de nouveaux projets. Je travaille sur des projets entre le Royaume-uni, la France, l’Asie et l’Australie. »
- Pourquoi ce voyage ?
F. A. « On entend assez peu parler du whisky Français à l’étranger, ou de seulement certaines distilleries telles Glann Ar Mor, Warenghem ou du Domaine des Hautes Glaces. Il a fallu attendre 2017 pour que la communication autour de ces spiritueux s’intensifie. Il s’agit d’un territoire nouveau, digne d’intérêt et autour duquel un mini buzz s’est créé. Bien que travaillant dans le whisky et de nationalité française, je ne connaissais pas suffisamment cet univers. Le but de ce voyage fût donc de rencontrer les personnalités d’aujourd’hui qui font le whisky français de demain ! Il s’agissait par la même occasion de dresser un panorama actualisé de la production de whisky en France. »
- Comment t’es tu organisé ?
F. A. « Je savais que je disposais d’une fenêtre de 3 semaines à partir de fin Février. J’ai contacté les distilleries une à une et dressé le plan de route depuis Londres et Singapour. L’objectif était de visiter deux distilleries par jour sachant qu’une journée par semaine était consacrée au repos et à la rédaction des notes. »
- Combien de distilleries as-tu visité ?
F. A. « 31 distilleries au total et plus de 80 acteurs du whisky rencontrés. C’était très riche sur le plan humain avec un accueil chaleureux à chaque visite. »
- Quel regard portais-tu sur le whisky français avant ton voyage ?
F. A. « Je percevais un message à la fois humble et juste de la part de ses acteurs. Savoir-faire ancestraux, héritage et faible capacité de production teintaient cette impression. »
- Quel regard portes-tu désormais ?
F. A. « J’ai d’abord constaté que de nouveaux distillateurs font de l’excellent travail avec peu de formation ou sans avoir hérité du matériel et/ou des matières premières nécessaires à la confection du whisky.
C’est un secteur à plusieurs vitesses où les productions d’amateurs éclairés côtoient celles de producteurs industriels. Les choix stratégiques et opérationnels décidés par ces entrepreneurs prennent tout leur sens à la lumière de leurs profils.
Tous ne contrôlent pas toutes les étapes de la production – notamment le maltage – mais disposent d’une connaissance technique très approfondie de leur domaine d’activité. J’aimerais que toutes les étapes de la production soient réalisées en France, pourquoi pas sur site, mais il convient avant tout de laisser aux producteurs le soin de déterminer ce que sera le whisky français de demain. À ce titre, j’attends de voir avec impatience les solutions de maltage à façon prochainement proposées par l’une de ces distilleries en France.
Si mon regard a toujours été bienveillant envers le whisky de France, il est aujourd’hui emprunt d’un profond respect pour ses producteurs. Qu’ils aient investi des millions, ou débuté avec un budget serré. Je tire mon chapeau à tous ceux qui travaillent très tôt le matin jusqu’à tard le soir, et parfois même seuls dans leur distillerie.
Au final, partir sur la route des distilleries, c’est découvrir bien plus que le whisky français. Je me suis rendu compte que je connaissais assez mal la France avant de débuter cette aventure. La découverte des traditions, de l’histoire, de la gastronomie et des cultures régionales a rythmé ce voyage. La diversité des patrimoines est saisissante. »
- Selon toi, quelles sont les forces et les faiblesses des producteurs français par rapport à ceux d’autres pays ?
F. A. « Face aux géants du marché, la faible capacité de production et le rapport qualité/prix constituent encore une faiblesse dans de nombreux cas. Il y a trop souvent un décrochage entre le nombre d’années de vieillissement des whiskies et leurs tarifications. Lorsque je tombe sur un whisky français dont le prix est 2 fois supérieur pour un vieillissement 4 à 5 fois inférieur à celui d’un whisky d’une distillerie étrangère renommée, je me pose des questions quant à la compréhension de ce décalage par le consommateur.
Pour moi, les forces principales du whisky français sont la passion, le savoir-faire, la créativité, et la diversité.
Il y a tout d’abord une véritable passion qui nous démarque de l’international et qui se retrouve chez tous les acteurs du whisky de France qu’ils soient producteurs, distributeurs ou consommateurs.
Sur le papier, la France est un des pays les plus légitimes à la production de whisky, avec un savoir-faire en agriculture, maltage, brassage, distillation (eaux-de-vies de fruits, calvados, genièvre, lambig…), élevage sous bois (vin, armagnac,…), ou assemblage d’eaux de vies (cognac,…).
La créativité et l’inventivité des producteurs au service du qualitatif et de la typicité du goût sont une richesse incroyable. Quasiment tous les producteurs m’ont dit : « je veux faire un whisky différent. Je veux qu’il soit emprunt de ma région, de ce que j’ai à l’esprit. » Avec cette démarche, nous allons au delà de la satisfaction de produire un whisky standard. Que ce soit à la Distillerie des Bughes, à la distillerie du Vercors, à la Distillerie de Paris, ou d’autres encore, des trésors d’inventivité et d’ingéniosité sont déployés pour proposer des alcools aux caractéristiques uniques. C’est une volonté d’innover que je ne connais nulle part ailleurs au monde.
La diversité peut être à la fois une force et une faiblesse. Comment réunir l’ensemble de ces whiskies sous une même bannière ? Comment fédérer ses acteurs autour d’une vision commune quand tous ne font pas face aux mêmes enjeux ? Là est tout le défi, qui revient en partie à la Fédération du Whisky de France, qui a fort à faire…!
Je vois également la jeunesse de cette industrie comme une force. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements, tout reste à construire. Un avenir radieux attend le whisky de France. Nous avons cette capacité à écrire de grandes et belles histoires. Ce sera le cas pour ce whisky après une période d’ajustement nécessaire. Il y aura un âge d’or, je suis optimiste ! »
- Quelle suite souhaites-tu donner à ce voyage ?
F. A. « Je souhaite rester en contact avec ces personnes incroyables rencontrées tout au long du voyage. Dans le même temps, j’écris une série d’articles pour la presse singapourienne afin de donner de la visibilité à nos entrepreneurs et pourquoi pas attiser l’appétit de l’Asie du Sud-Est pour le whisky Français ? J’aimerais soutenir le whisky de France à ma manière. Tout n’a pas toujours vocation commerciale, les soutiens peuvent revêtir différentes formes. »
- Le mot de la fin ?
F. A. « Du courage et de la réussite à nos distillateurs ! Vive le whisky Français ! »
Merci à Fab Arm pour le récit de ce voyage !
Crédit Photo : Fab Arm.