Straw Bale devient Maison Victors

La Maison Victors, anciennement Straw Bale, a récemment embouteillé une première édition permanente (ou presque) de whisky élevé en fût de bourbon ! Elle s’apprête à compléter sa gamme avec une édition en fût de sherry qui ne saurait tarder !

Depuis notre dernier article de 2018, il s’est donc passé beaucoup de choses dans cette distillerie Bio et engagée d’Occitanie ! Session de rattrapage avec Gilles Victors, fondateur et artisan distillateur.

 

 

 

Salut Gilles, tu fais partie des producteurs de whisky français qui sont clairement mue par leur passion et la recherche de la qualité ! Peux-tu nous raconter d’où te vient cette passion pour le whisky ?

Salut Matthieu, avec plaisir ! Cela remonte à longtemps, je devais avoir 23 ou 24 ans, j’étais jeune et un peu présomptueux et je discutais avec quelqu’un dont je ne connais pas l’histoire. On évoque le whisky et je lui dis tranquillement : « le whisky ? oui je connais, je les ai tous goûtés !” Tu imagines déjà le truc, je les ai tous goûtés ! [rire]. Et là je lui sors le top du top : “J’ai goûté Label 5, clan Campbell, Jameson et franchement j’aime pas !” Alors il me répond : C’est bien sympathique tout ça mais pour l’instant tu ne m’as pas encore parlé de whisky [rire] !

Quelques mois plus tard, on se croise à nouveau et il me fait goûter un Springbank 18 ans, cela change totalement les perspectives et c’est le début de mon histoire avec le whisky, je me rends compte que je n’y connais rien et qu’en plus c’est très très bon! Je commence à m’y intéresser sérieusement et à lire quelques vieux bouquins en allemand en anglais, c’était avant internet, avant l’information très riche dont on dispose aujourd’hui !  C’était bien avant que je commence mon projet professionnellement.

C’est en 2015, à l’occasion d’un voyage en Écosse que je décide de sauter le pas, je me dis : “Gilles, si tu ne le fais pas maintenant tu vas le regretter !” Je multiplie alors les formations et les voyages en Écosse. En 2018 après plusieurs essais, la production démarre pour de bon !

Tu as récemment embouteillé « Origines », un whisky élevé en fût de bourbon. C’est ton premier whisky ?

La Maison Victors vient de sortir un single cask en fût de Negrette !

Pas vraiment mais c’est la première édition que je veux tenir dans le temps !

Jusque-là j’avais sorti que des petits singles cask et en novembre 2023 j’ai sorti un petit assemblage de deux fûts, un oloroso et un px, c’est parti si vite que s’en était presque frustrant ! On sait que la première bouteille qui sort ce n’est pas la plus difficile à vendre, ce qu’il faut après c’est tenir dans le temps avec des éditions qui se tiennent et une offre cohérente, c’est ce que je veux faire avec l’édition fût de bourbon qui est sorti en avril dernier et avec l’édition fût de sherry que je sortirai à l’automne.

Désormais chaque année, je maintiendrai cette gamme avec au printemps l’édition fût de bourbon et à l’automne l’édition fût de sherry mais il faudra un peu de temps pour que ces éditions soient vraiment permanentes car je ne sors pas un whisky avant 4 ans de vieillissement sous bois minimum et qu’il faut petit à petit monter les volumes.

Bien sûr, tout cela sera enrichi de truc un peu fun en version single cask pour rigoler un peu et faire voir des vieillissements un peu différents !

 

Désormais on ne dit plus Straw Bale mais Maison Victors c’est bien ça ?

Effectivement, on a changé en avril 2023. Un changement nécessaire pour des raisons physiques. Quand j’ai monté la distillerie, je ne me suis pas posé de questions. C’est une construction écologique en paille du coup je me dis Straw bale (botte de paille en anglais Ndlr) c’est sympa mais je n’avais pas saisi l’impact que ça pourrait avoir au niveau de la perception de la distillerie.

Au-delà du côté infernal des gens qui ne savent pas le prononcer car j’ai tout entendu: Straw baule, straw balle, straw d’la balle et mon préféré : Strou de balle [rire], c’est surtout que quand j’ai commencé à parler de mon projet sur des salons internationaux les gens ne comprenaient pas. Il venait pour une marque française et Straw bale ça ne collait pas. J’ai pris conscience que c’était potentiellement un problème.

Du coup j’en parle avec mes associés qui étaient partants pour changer de nom. Ça part en brainstorming, on ouvre un Glendronach 1993 et on commence à discuter. On était quasi tous d’accord sur le terme de « Maison », c’est familial ça évoque quelque chose de chaleureux et ça rappelle les maisons parisiennes de haute couture et de bijouterie, c’est haut de gamme donc j’aime bien ce terme-là !

En revanche, le deuxième mot posait problème, Victors j’étais pas du tout pour, le côté ego-trip ne me correspond pas du tout ! Donc je commence par mettre mon véto. Les discussions se poursuivent et mes partenaires insistent, ils sont tous d’accord que Victors ça marche bien, ça a du sens, ça se prononce bien en français et en anglais. Finalement je me dis : « quand tout le monde a la même perception, c’est peut-être toi qui déconnes”, donc j’essaie de ne pas rester buté et je me dis pourquoi pas.

Il m’a fallu quelques mois pour m’y faire mais maintenant ça va et le temps passant je m’y accroche bien. Finalement ce nom est légitime, je suis le fondateur. Il y a bien un Ricard, un Cointreau ! Souhaitons-nous le même succès [rire] !

 

Côté production,  comment est fait ton whisky ? C’est quoi ta matière première ?

Pour la matière première, j’utilise de l’orge Lauréate bio pour laquelle j’ai deux approvisionnements. La majorité c’est de l’orge locale cultivée autour du village avec diffèrent partenaires qui comptent pour 12 hectares et je viens d’acquérir 25 hectares supplémentaires pour accentuer la production en local.  Mais j’ai également un deuxième circuit d’approvisionnement chez un ami à côté de la Rochelle qui fait aussi de la Lauréate en agriculture biologique. Souvent on me demande pourquoi je ne fais pas tout localement. En fait, je diversifie mes approvisionnements car on est dans le sud-ouest,  les rendements sont petits et je ne peux pas risquer d’avoir une année blanche. En cas d’aléa climatique j’ai toujours un backup, c’est ça qui compte !

Pour le maltage, ça se passe à la malterie du vieux silo. Je n’utilise pas de tourbe car ça n’aurait pas de sens dans mon projet, en revanche, je fais un peu de seigle !

© Darmesh Varane : https://www.darmeshvarane.com/

 

Et ensuite ?

Ensuite, j’ai une fermentation de 7 jours et je travaille des doubles distillations en pot still chauffés à feu nu mais ça changera sur la nouvelle distillerie pour des raisons écologiques. Je passerai en chauffe vapeur et l’utilisation de biogaz

Côté vieillissement, j’ai une majorité d’ex -fût de bourbon et de sherry et je ne fais que des first fill.

J’ai quelques ex-fût de whisky tourbé et j’évite le chêne neuf. Je trouve que le distillat est précieux, fragile, les fûts neuf ça part vite en jus de planche ce n’est pas trop mon truc. Ou sinon ton whisky prend des aires de bourbon, en soi, pourquoi pas mais moi je fais du whisky [rire] !

À cela s’ajoutent quelques fûts exotiques qui viennent de mes recherches ou d’autre petits délires ! Notamment des futs de Négrette, le cépage emblématique du coin !

Tout cela vieillit patiemment dans deux chais non régulés avec une part des anges oscillant entre 4 et 5%. Sauf pour les quarter casks où l’évaporation est beaucoup plus importante!!

Tu évoquais un futur déménagement ? Tu peux nous en dire plus ?

Oui, avec mes amis associés, on a acheté une propriété au cœur d’une exploitation qui date d’il y a plus d’un siècle. Ils sont tous aussi engagés que moi dans ce projet. Actuellement on est en travaux sur le nouveau site et il y a pas mal de paperasse également. On était une micro distillerie sous le régime de la déclaration et là on bascule sous le régime de l’enregistrement ! les dossiers sont épais et ça impact énormément le bâti ! épaisseur de mur, bassin de rétention, évacuation, syphons etc…

Il y a quelques semaines j’en ai parlé avec un collègue en Écosse qui me disait que s’ils avaient les mêmes normes, ils seraient tous morts [rire]. Bref ça avance,  je vise fin 2025 mais soyons prudent et disons début 2026 !

Ça va être un grand bouleversement car on va pouvoir multiplier par 6 le volume de production et je suis déjà impatient de démarrer nos nouveaux alambics !!!

Merci Gilles et bonne continuation à la Maison Victors !

 

 

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