Inazuma : De la Bretagne au Japon

Ce printemps,  quelques dizaines de bouteilles de deux embouteillages inédits seront commercialisées en France. Il s’agit d’assemblages de single malts français et japonais ! Ces deux cuvées résonnent comme un présage, à l’heure où le whisky français cherche à se développer au-delà des frontières de l’Hexagone. Alors, le whisky français suivra-t-il le chemin du succès emprunté par le whisky japonais ?

Le Japon : un modèle pour la France ?

Au cours de la décennie 2000-2010, le Japon s’est imposé comme la quatrième grande nation du whisky, aux côtés des géants historiques que sont l’Écosse, l’Irlande et les États-Unis.
L’ascension du whisky japonais connaît un tournant décisif en 2001, plus de 75 ans après la première distillation sur l’archipel, lorsque le prestigieux concours Best of the Best du Whisky Magazine consacre le Yoichi 10 ans single cask meilleur whisky du monde. Juste derrière, le blend Hibiki 21 ans, signé Suntory, confirme la qualité exceptionnelle des spiritueux nippons.

Ces distinctions bousculent les idées reçues et ouvrent la voie à une nouvelle perception : le whisky peut être produit en dehors des territoires traditionnels tout en atteignant une qualité comparable, voire supérieure. Alors, pourquoi pas un whisky français ?

À cette époque, la pionnière des distilleries françaises, Warenghem, avec son single malt Armorik, peine encore à convaincre. Le whisky français est accueilli avec méfiance, mais cela n’empêche pas la distillerie bretonne de travailler ses fondamentaux.

« Entre 2009 et 2015, Warenghem entreprend un travail de consolidation, notamment sur la partie technique. Notre maîtrise des processus de fermentation, brassage et distillation, ainsi que la gestion des chais et des fûts, s’est renforcée tout en personnalisant notre travail. Un énorme saut qualitatif a été réalisé au cours de ces six années. »
– David Roussier

Aujourd’hui, la qualité des productions françaises en général, et de Warenghem en particulier, a considérablement progressé. Au point qu’on pourrait se demander si la France n’est pas en passe de devenir la cinquième grande nation du whisky. Bien entendu, pour cela, il faudrait une reconnaissance internationale… Pour l’instant, le whisky français est encore majoritairement consommé localement. Mais avec Inazuma, Warenghem affiche clairement ses ambitions à l’international.

Inazuma – Quand la Bretagne rencontre le Japon

« Inazuma » (稲妻) signifie éclair en japonais — un symbole de puissance, d’énergie et d’harmonie avec la nature.

Paul Klocke, responsable export de Warenghem et Yusuke Yaku, maître assembleur chez Nagahama

En 2023, Paul Klocke, responsable export & caves, et David Roussier, directeur de la distillerie Warenghem, se rendent au Japon pour rencontrer leur importateur Liquor Mountain Co., LTD, également propriétaire de l’un des joyaux du renouveau japonais : la microdistillerie Nagahama.

À l’issue de cette visite, l’équipe se livre à plusieurs essais d’assemblages sur la base d’un single malt Armorik vieilli en fût de bourbon, envoyé un an plus tôt dans le cadre de recherches autour du World Malt Amahagan (la marque de blends de la distillerie nippone dont le nom est l’anagramme de Nagahama).
À ce single malt breton, ils ajoutent et testent plusieurs expressions de la microdistillerie japonaise.

Une recette imaginée par Paul — baptisée Crème brûlée pour sa trame aromatique particulièrement gourmande et empyreumatique — sort du lot. Le maître de chai Yusuke Yaku s’en empare avec enthousiasme et propose de muscler le projet : plutôt qu’un simple World Blend, pourquoi ne pas créer deux expressions uniques ?

Puisque Crème brûlée évoque un dessert français, Yusuke propose une recette japonaise en miroir en exploitant l’aromatique du chêne Mizunara et des ex-fûts de Saké. Ainsi naît Inazuma, une collaboration entre tradition bretonne et savoir-faire nippon.

Il en résulte deux jolies bouteilles de 50 cl présentant deux oiseaux, une oie sauvage japonaise et un Fou de Bassan Breton virevoltant au-dessus du lac japonais Biwa pour l’assemblage signé Yusuke Yaku  et aux alentours du phare de Ploumanac’h pour la création de Paul Klocke.

« Pour moi, c’est un truc de fou. Je suis commercial, pas maître assembleur ! J’étais particulièrement honoré que Yusuke s’intéresse à ma recette. »
– Paul Klocke

Inazuma : Crème Brûlée

Nez : Chaleureux, marqué par le tabac blond, le chocolat noir et un sherry sec. Le caramel grillé et le malt, soutenus par le foin sec, apportent une belle rusticité. Des touches de cuir et de raisins de Corinthe complètent ce nez complexe et gourmand.

Bouche : Ample et dense. Les épices s’imposent dès l’attaque : cannelle, poivre, vanille. La banane flambée, les fruits mûrs et l’orge maltée enrichissent une bouche enveloppante, avec une légère fumée en toile de fond.

Finale : Longue, tendue, marquée par des notes de torréfaction. Le chocolat noir persiste, rejoint après quelques instants par une pointe d’amertume (amande verte) et une touche discrète de tourbe terreuse.

Conclusion : Un profil à la fois empyreumatique et pâtissier, fidèle à son nom.

Inazuma : Japanese Style

Nez : Subtil et frais, porté par une salinité élégante qui évoque les embruns bretons. La palette fruitée s’ouvre sur la pomme, la reine-claude et la prune verte, encore légèrement ferme. Des notes d’abricot apportent une touche plus ronde, accompagnées de vanille, cire d’abeille et sirop d’érable — sans aucune lourdeur sucrée.

Bouche : L’attaque est vive, nette, avec une belle tension iodée. L’impression marine se confirme, enrichie de fruits jaunes, gelée de coing et d’une légère touche de banane. La texture est franche et directe.

Finale : Longue, saline et persistante. Le fruité se prolonge sur des notes de raisin et de mirabelle, apportant rondeur et fraîcheur.

Conclusion : Un profil résolument maritime, entre la minéralité salée des embruns et la douceur des fruits du verger.

Seules 72 bouteilles de chacune de ces deux expressions seront commercialisées en France, notamment à la distillerie Warenghem à Lannion !