Les Brûleries Modernes : Quand la tradition cognaçaise se réinvente en single malt


BRIE-SOUS-ARCHIAC – Depuis près d’un siècle, la distillerie Vinet-Delpech façonne l’histoire des spiritueux français en toute discrétion. Héritière d’un savoir-faire séculaire, elle s’est principalement spécialisée dans la production de spiritueux sur mesure pour des marques de distributeurs et d’autres intermédiaires. Mais en 2019, désireuse de mettre en lumière ses propres créations, la maison décide de franchir un cap en créant … Les Brûleries Modernes.

Ce nom, proche d’un oxymore, fait référence au terme « brûlerie », autrefois utilisé au XVe siècle comme synonyme de distillerie, et tombé depuis dans l’oubli. En y associant le mot « moderne », Vinet-Delpech souhaite raviver cette appellation historique tout en y insufflant une vision contemporaine. Les Brûleries Modernes deviennent ainsi une marque ombrelle dédiée aux créations originales de la maison, un véritable laboratoire d’expérimentation dirigé par Jean-Baptiste Delannoy et sa compagne Karin Reyes Morales, représentants de la quatrième génération. Et parmi ces créations, vous vous en doutez… figure un whisky !

« Nous avons pensé Les Brûleries Modernes afin de créer et fabriquer des produits artisanaux. Notre savoir-faire ancestral ainsi que notre équipe dynamique nous ont permis de développer des spiritueux tels que le gin Hold Up, les whiskies Palisson etc..»

Une histoire de famille et de passion

Tout commence en 1934 lorsque Félix Chartier fonde sa distillerie de cognac à Brie-sous-Archiac. L’affaire reste familiale : en 1972, elle passe à son gendre Guy Vinet, qui lui donne son nom. Puis, en 1991, sa fille Annie et son mari Bruno Delannoy prennent la relève. Visionnaire, Bruno se tourne vers l’international et fait évoluer l’offre, notamment en produisant des marques de distributeurs sur mesure.

En 2011, l’union avec Étienne Delpech, issu d’un domaine charentais fondé en 1777, marque un tournant. Ensemble, ils créent la distillerie Vinet-Delpech, qui allie tradition, innovation et ouverture sur le monde. Une décennie plus tard, et sa compagne Karin Reyes Morales, représentants de la quatrième génération, structure les ambitions créatives de l’entreprise avec Les Brûleries Modernes.

Palisson : le single malt qui relie la Charente au Speyside

L’un des projets phares de cette nouvelle entité voit le jour en 2019 avec le lancement d’un whisky. Commercialisé en 2022 sous le nom de Palisson, ce single malt puise son identité dans le terroir charentais. Il est nommé d’après le lieu-dit qui abrite les chais de la maison.

La production commence avec un Wash en provenance de Meteor, avant de se recentrer sur le local avec Salem Brewing Company, émanation de la brasserie La Débauche, à Angoulême qui produit des Wash d’une qualité incontestable (Lire : Un autre modèle de production – Salem Brewing co et les spécialistes du Wash) . En effet, le moût d’orge, non tourbé, se distingue par sa richesse en esters fruités, idéal pour des eaux-de-vie complexes.

Pour la distillation, les Bruleries modernes disposent de douze alambics charentais de 25 hectolitres chauffés à flamme nue. Après deux passes, le cœur de chauffe est réduit puis mis en fût. Le vieillissement, minutieusement surveillé, s’inspire directement des pratiques cognaçaises avec notamment des réductions lentes.

Chaque batch du single malt Palisson résulte d’un élevage d’une durée minimale de trois ans mais intègre également des fûts plus âgés. La typologie des fûts varie selon les éditions, conférant à chaque batch une personnalité distincte.

Le Batch 1 a ainsi vieilli en fûts de chêne du Limousin ayant précédemment contenu du cognac, ancrant le whisky dans l’héritage charentais de la maison. Le Batch 2, quant à lui, a été élevé dans des fûts ayant contenu du rhum, apportant des notes à la gamme. Enfin, le Batch 3 se distingue par un vieillissement en fûts de chêne américain ayant auparavant contenu du bourbon, pour une expression plus ronde et vanillée du single malt.

Nez : Le nez s’ouvre sur des notes maltées et vanillées, rapidement rehaussées par un bouquet de fruits du verger : pomme croquante, poire mûre et pêche juteuse. Des touches plus subtiles de tabac blond et de pain grillé viennent compléter ce profil aromatique gourmand.

Bouche : En bouche, l’attaque souple révèle des saveurs de poire fraîche et de céréales, agrémentées de nuances de pomme au four, de banane mûre et de miel de bruyère. Le tout est soutenu par des notes de vanille et de noix de coco, qui apportent une texture crémeuse.  

Finale : La finale est persistante, dominée par la vanille et un soupçon malté. Une subtile torréfaction apparaît, évoquant une poudre de cacao noir légérement amère.

« On a un profil aromatique équilibré et tout en finesse. L’identité cognaçaise est indéniable mais on sent tout de suite que c’est un whisky ! » – Jean-Baptiste Delannoy

À l’heure où l’industrie du cognac subit les conséquences d’un contexte géopolitique tendu, il n’est pas inutile de rappeler que la France produit elle aussi des single malts de grande qualité. Sur un marché où près de 200 millions de bouteilles de whisky sont consommées chaque année, certaines créations françaises pourraient aisément se substituer à des références importées ! C’est le cas de Palisson, dont le profil rond, fruité et équilibré n’a rien à envier aux grands whiskies du Speyside ! A bon entendeur !