Nous vous avions déjà parlé de la Fabrique des Bières d’Anjou aussi connue sous le nom de La Piautre, une brasserie-malterie-distillerie française nichée sur les bords de la Loire.
Soucieuse de produire un whisky artisanal et local, la fabrique travaille avec trois agriculteurs situés dans un rayon de 20 km.
En 2013 elle intègre une malterie et se lance dans la production de whisky. D’abord, avec l’aide d’un bouilleur de cru ambulant et d’un alambic COYAC, puis, depuis 2017, avec leur propre alambic de type charentais.
L’embouteillage d’un single cask tourbé de la Piautre par Version Française était une belle occasion de reprendre la discussion avec Vincent Lelièvre, fondateur de la fabrique.
Bonjour Vincent, vous faites partie des rares distilleries à disposer de votre malterie, comment travaillez-vous la matière première pour le whisky ?
Est-ce le même processus que pour la production de la bière ?
Nous avons un outil de maltage simple mais qui demande de la main d’œuvre puisqu’il s’agit de maltage sur aire, on va dire à l’ancienne. Nous travaillons de façon identique pour la bière ou le whisky , sauf pour les malts tourbés ou fumés qui sont destinés au whisky .
Aujourd’hui 50 tonnes sont maltées pour le whisky et 70 pour la bière. Pour la bière comme pour le whisky, l’idée c’est de défendre une agriculture paysanne avec une relation directe avec les producteurs du coin, que seule la création de la malterie nous a permis
Vous travaillez essentiellement avec de la matière première locale (à l’exception de la tourbe qui vient d’Irlande).
Quels sont les critères pour choisir une orge de qualité ?
Les critères sont essentiellement centrés sur la qualité sanitaire des orges et de l’importance du triage puisque les orges bio sont souvent plus compliquées à trier que celles de l’agriculture conventionnelle ou fongicide et herbicides permettent des champs plus « propres ».
Le sol a-t-il une influence ?
Oui bien sur agronomiquement, maintenant franchement nous n’avons pas mesuré des différences au niveau du distillat; mais avons nous les moyens de les mesurer ?! Il nous faut encore du temps pour cela et nous n’avons pas une approche parcellaire nous souhaitons d’abord travailler sur les variétés d’orges qui elles aussi présentent des qualités agronomiques différentes.
Nous travaillons également le blé et le seigle mais l’essentiel de la production reste du Single Malt
En 2013 vous avez créé la malterie, en 2017 vous faisiez l’acquisition d’un alambic charentais de 25 Hl. Quels sont les projets dans un avenir proche ?
Nous avons installé un deuxième alambic à chauffe directe aux granulés bois en 2020.
Nous allons également augmenter notre capacité de maltage avec une nouvelle unité d’une capacité de 360 tonnes cette fin d’année, toujours sur aire.
Enfin, nous poursuivons notre travail pour une autonomie totale sur la production de levures afin de ne plus utiliser de levures déshydratées.
Merci Vincent.
Le récent embouteillage par Version française est une belle illustration du savoir faire de la Brasserie/Malterie/Distillerie. Issue d’une fermentation longue et d’une double distillation à feu nu, la Piautre 2018 est un single malt fumé avec de la tourbe irlandaise (l’exploitation des zone humides française étant interdite).
Élevés d’abord dans deux futs distincts : un fut de 100 litres et un autre de 225 ayant chacun contenu du vin avant d’être poncé puis retoasté, le whisky a ensuite terminé son élevage dans un unique fut de coteaux de l’Aubance.
Le nez est avant tout fruité. Des arômes de raisin blanc bien mûr et d’abricot sec précèdent une tourbe grasse et médicinale. La fumée s’accompagne de note de tabac, de thé noir, et de reglisse suivi de noisette grillée et de subtiles notes de poivre vert.
Gras et tapissant, le whisky dévoile une large palette d’épices (muscade, girofle) en bouche. La tourbe, d’abord animal, devient de plus en plus médicinale, avec des notes de camphre, de reglisse et d’herbes coupées. Pâtissier aussi, le palais évoque un crème brulé relevé d’un zeste de citron confit.
Longue, la finale semble revenir sur l’ensemble de la dégustation. On retrouve des notes boisées et caramélisées accompagnées de fruits mûrs. Puis, les épices nous accompagnent lentement vers une tourbe devenue cendre.
La Piautre 2018 est un whisky résolument artisanal.
La tourbe est d’une richesse rare, d’abord animal elle évolue vers des arômes médicinaux avant de se muer en cendres. Loin d’être omniprésente, elle laisse volontiers la place à des arômes pâtissiers (crème brulée, Noisette grillé) et fruité (raisins secs, confiture de citrons).