La distillerie de Soligny : Terroir et haute technologie

C’est à Soligny les étangs, une petite bourgade de l’Aube, que Véronique et Vincent Godier entament leur seconde vie en 2018. Soucieux de valoriser leur terroir, le couple se lance dans la confection d’un whisky du champ à la bouteille. Pratiquant une agriculture respectueuse de l’environnement, sans aucun intrant chimique, le couple s’équipe d’un alambic unique en son genre et se donne pour objectif de mettre la campagne en flacon

Retour au pays

Après avoir sillonné le monde, Véronique et Vincent Godier reviennent en France, et plus précisément, à Soligny les étangs, un village qui se distingue par l’importance de ses territoires agricoles qui couvrent alors 94,5 % des sols. C’est ici que le père de Vincent prend sa retraite et, sous l’impulsion de Véronique, le couple décide de reprendre l’affaire familiale. Après tout, la ferme est transmise de père en fils depuis 1530 (14 générations), pourquoi s’arrêter en si bon chemin ! De plus, le timing est le bon pour Vincent et Véronique, leurs quatre garçons sont grands et cela fait un moment que le couple réfléchit à un projet dans lequel ils pourraient travailler ensemble !

Crédits photo : https://www.solignywhisky.fr/

Reprendre la ferme, oui, mais à condition d’apporter quelque chose de nouveau ! Au départ Vincent et Véronique envisagent de produire des tisanes en biodynamie, puis, de la bière, mais dans un cas il s’agit d’un marché de niche, dans l’autre, la concurrence est déjà très importante, or, en bons ingénieurs, le couple est particulièrement attentif à la viabilité du projet qu’il souhaite développer.

C’est en 2017, alors qu’ils passent les fêtes de fin d’année au Japon que le projet se concrétise. Alors qu’ils sirotent un Nikka, l’idée de produire du whisky devient tout d’un coup évidente, d’autant plus qu’ils cultivent de l’orge sur la ferme et que la catégorie whisky français est particulièrement dynamique et porteuse !

Istill

De retour en France, Vincent se lance à la recherche d’un alambic, il fait le tour des constructeurs français puis, alors qu’il feuillette un whisky magazine, il tombe sur un article qui l’interpelle (Article à lire ici) ! Il y est question d’une toute nouvelle génération d’alambics mise au point par un constructeur néerlandais répondant au pseudonyme d’Odin, le nom du roi des dieux dans la mythologie scandinave, c’est prometteur ! Nommé Istill (une référence à une marque de téléphone bien connue), l’alambic semble capable d’assister le producteur à toutes les étapes de la production (Brassage, Fermentation, Distillation).

La machine suscite la curiosité de Vincent, il saisit donc son téléphone et tente d’en savoir plus mais la seule information qui l’obtient est que pour en savoir plus, il faut s’inscrire à une formation et qu’il n’y a pas de place disponible avant au moins 6 mois.  Perplexe, Vincent commence à étudier ses autres options quand le téléphone sonne à nouveau. Une place vient de se libérer pour la prochaine formation. Moyennant, 3000 euros payables tout de suite, Vincent pourra y participer. La méthode est pour le moins directe mais Vincent prend le risque et ne le regrette pas ! Après une semaine de formation, il revient avec un mini alambic pour débuter les expérimentations et passe commande d’un Istill de 20 hectolitres. Ce dernier devait être livré fin 2020 mais, une fois n’est pas coutume, la pandémie de covid 19 accélère les choses ! Craignant de ne plus pouvoir s’approvisionner en matières premières et les livraisons pour les États-Unis étant suspendues, Odin propose à Vincent de le livrer dès le mois de mai ! En août 2020, Véronique et Vincent effectuent leur première distillation.

De forme cubique et construite en acier inoxydable, la machine entièrement automatisée remplit le rôle d’un alambic mais aussi celui de cuve d’empâtage et de cuve de fermentation. Vincent et Véronique y mettent leur propre céréales réduite en farine grossière (le fameux grist), de l’eau et pour les levures, après plusieurs essais sur des levures de distilleries, le couple s’est porté sur des souches utilisées en boulangerie (Une recette de grand-mère !). Une fois les ingrédients en place, l’Istill se met au travail !

La fermentation est conduite en cinq jours puis, en une vingtaine d’heure, l’Istill transforme le wash, avoisinant les 8,5%, en un distillat à 65% particulièrement riche et céréalier. Rapidement, Vincent s’est rendu compte qu’utiliser l’alambic 5 jours sur 7 comme une simple cuve n’était pas l’idéal. Il ne tarde pas à rappeler Odin pour acquérir deux fermenteurs qui lui permettent de rationaliser la production ! En Avril 2023, Vincent et Véronique double leur capacité avec un nouvel alambic et deux fermenteurs.

Notre objectif c’est d’avoir un whisky qui sent la céréale, on souhaite s’inscrire dans la lignée du travail des distilleries Bruichladdich, Waterford et du domaine des hautes glaces. A terme, je veux être à même de comparer mes terroirs, mes climats !

Vincent Godier

Une approche locale

Pour parvenir à exprimer sa campagne, la distillerie est 100% autonome dans la production de céréales. Initialement, les Godier travaillaient sur une orge de brasserie, la RGT Planet. Rapidement, ils lui ont préféré la Lauréate, une variété d’orge de printemps non GN* adapté à la distillation. Dans une moindre mesure, la distillerie cultive également du seigle qu’elle ajoute cru dans certaines de ses recettes. Pour le maltage de ses orges, et afin de garantir une parfaite traçabilité, la distillerie de Soligny s’est d’abord rapproché de la malterie des Hautes Vosges (Rozelieures) , puis, depuis que la production a dépassé les 50 tonnes d’orge, le maltage est confié à une antenne de la malterie soufflet.

Pour le vieillissement, il s’agit là aussi de favoriser les circuits courts ! Vincent et Véronique se rapprochent de Jérôme Fouailly, un maître tonnelier bourguignon qui leur produit des fûts neufs dotés d’une chauffe légère. A cela, s’ajoutent des Fûts de vin rouge qui ont séché à l’air libre et été aérés régulièrement pour éviter la piqûre acétique. Enfin Vincent et Véronique utilisent des barriques de vins frais issus de leur propre vignoble à Nuits-Saint-Georges et Chambolle-Musigny.

La distillerie jongle avec trois chais aux propriétés bien différentes, allant de très sec et non isolé (pour favoriser une prise de bois rapide) a très stable et humide (pour arrondir les eaux-de-vie en douceur). Puis, Vincent et Véronique travaillent sur des réduction lente.

Crédits photo : https://www.solignywhisky.fr/

La distillerie de Soligny propose d’ores et déjà des purs malts d’environ 12 mois d’âge moyen. Baptisé : Le Chant Du Coq 1, 2 et 3, ces expressions proposent une vaste palette aromatique mais toutes ont en commun d’offrir un profil céréalier qui se traduit par des notes de grain, de paille et de pain grillé. Avant même de proposer un whisky, la distillerie de Soligny affiche un style particulièrement riche et prometteur et semble en passe de réussir son objectif : mettre la campagne en flacon !

Crédits photo : https://www.solignywhisky.fr/