Trois questions à Philippe Jugé, instigateur du salon France Quintessence !

Les spiritueux Français seront à l’honneur les 10 et 11 Septembre prochains à l’occasion du salon France Quintessence.
Bien entendu, le salon fera la part belle au Whisky Français, celles et ceux qui auront la chance d’y participer pourront  notamment y rencontrer les représentants d’Armorik, Bastille, Brenne, DHG, Rouget de Lisle, Rozelieures mais aussi Couvreur, Kuentz et Ferroni !

>> Rencontre avec Philippe Jugé, fondateur du salon et figure notoire du whisky en France, à quelques jours de l’ouverture du salon.

  • Cher Philippe, pouvez-vous nous indiquer ce que représente la production de whisky en France (volume de production, chiffre d’affaires, emplois, nombre d’acteurs, etc.) de nos jours ?

Il y a aujourd’hui 49 distilleries officiellement en activité en France. On peut imaginer qu’entre 5 et 10 distilleries produisent également du whisky mais sans s’être dévoilées et il y a une dizaine de projets qui verront le jour d’ici la fin de l’année 2018 et dont les sociétés sont déjà constituées. La France est donc, par le nombre de distilleries en activité, au quatrième rang des producteurs mondiaux, derrière les USA, l’Écosse et l’Allemagne. Mais à ce jour, seules 31 distilleries ont commercialisé au moins un whisky répondant à la définition européenne.

Il faut aussi prendre en compte les embouteilleurs indépendants de whisky brassé, fermenté, distillé et vieilli en France. Ils sont 19 et la société Couvreur sera la 15e à lancer son whisky de France à l’occasion de France Quintessence. Il y a donc aujourd’hui entre 80 et 85 acteurs en activité. Le volume de production reste encore faible et on peut le situer autour de 10 000 hectolitres d’alcool pur (Hlap), soit l’équivalent de 3,5 millions de bouteilles. C’est encore très peu si on compare aux autres catégories de spiritueux produits en France : le cognac affiche 790 000 Hlap), le rhum 290 000 Hlap, la vodka 200 000Hlap ou le calvados et l’armagnac autour de 20 000Hlap.

Difficile d’estimer le CA car les ventes restent encore confidentielles, autour de 800 000 bouteilles vendues en 2016 (soit 0,4% de la consommation française de whisky qui affiche 200 000 millions de cols) sur le territoire national, auxquelles il faut rajouter l’export, environ 30 000 bouteilles supplémentaires. Ce qui est important, c’est la tendance. Et on peut raisonnablement penser qu’il y aura 100 acteurs en 2020 et des ventes qui approcheront les 2 000 000 de bouteilles.

  • France Quintessence est un lieu de rencontre entre les différentes familles de spiritueux Français. Quel type de synergie existe-t-il entre les producteurs de whisky et ceux d’autres spiritueux ?

Il faut déjà savoir que 30% des opérateurs de whisky en France sont des acteurs historiques de la distillation ou de la commercialisation de spiritueux. Warenghem, Mavela, Rozelieures, pour citer des exposants de France Quintessence, ont ajouté le whisky à leur savoir-faire alors que leurs distilleries existaient depuis des années. Et ils sont de plus en plus nombreux à sauter le pas que ce soit à Cognac, dans l’armagnac ou en Alsace, bien sûr. Les liens sont plus évidents avec les brasseries, en raison de la matière première (moût de céréales, comme la bière) mais évidemment toutes les distilleries ont les mêmes problématiques techniques, juridiques et environnementales, ce qui les rend partenaires. Mais elles ont les mêmes fournisseurs de matériel et les mêmes clients. Ce qui les rend aussi concurentes.

Ceci dit, il ne faut pas oublier que le whisky est un marché énorme et très captif en France, dominé par les Écossais. En raison de leur jeunesse et de leurs différences, les whiskies français n’ont aucun intérêt à être comparés, ni même associés aux whiskies historiques (Écossais, irlandais ou américains). Ce que commencent à comprendre les professionnels cavistes qui préfèrent créer un corner « spiritueux français », très vendeur et un peu dans l’air du temps. Au final, l’arrivée des whiskies français et la belle santé du rhum (qui bénéficie aussi aux rhums agricoles dont nous sommes les champions) profitent à l’ensemble des spiritueux français : cognac, armagnac, eaux-de-vie.

Ce qu’il est aussi intéressant de constater, c’est que le monde du vin commence aussi à s’intéresser au whisky. Et plus seulement pour la founiture de barriques. La maison Moutard-Diligent, réputée pour son champagne et ses ratafias, présentera en avant-première son eau-de-vie de malt, prémice d’un future whisky champenois, le premier du genre. Et je suis en contact avec plusieurs vignerons qui se sont aussi lancé dans l’aventure du whisky. 2018 confirmera la tendance.

  • 2017 marquera la 3ème édition de France Quintessence. Projetons-nous en 2024 pour la dixième édition. Selon vous, à quoi ressemblera la scène du whisky Français (acteurs, type de produit, reconnaissance nationale/internationale) ?

C’est très difficile à dire car le monde est changeant. Le whisky français est assez haut de gamme et ne concerne aujourd’hui quasiment que le whisky de malt. Le jour où il représentera 10 millions de bouteilles, les producteurs de single malt écossais auront du souci à se faire car c’est aujourd’hui ce qu’ils vendent en France. Ceci dit, la vitesse à laquelle le whisky français se développe permet d’être très optimiste. Le whisky français en France talonne aujourd’hui les ventes de whisky japonais, estimées à 1 million de bouteilles.

Les spiritueux français représentent 40% de la consommation totale de spiritueux en France, soit 195 millions de bouteilles produites sur 460 consommées. Ce chiffre est tiré par les anisées (100 millions de bouteilles) et plombé par le whisky (0,4% des ventes). L’objectif de France Quintessence est de permettre aux spiritueux français de dépasser la barre des 50%. Pour cela, il faut gagner 35 millions de bouteilles. En 10 ans, c’est jouable et le whisky – mais on compte aussi sur le rhum, le gin et les spiritueux vieillis sous bois – sera probablement l’un des principaux relais de croissance.

Cette troisième édition de France Quintessence est avant tout le reflet d’un intérêt grandissant du grand public pour la production de spiritueux et de whiskies hexagonaux. Plus d’info disponible sur www.france-quintessence.fr/

Un grand merci à P. Jugé pour ce riche entretien ainsi qu’à ses équipes pour l’organisation du salon.

Nous vous donnons rendez-vous au Pavillon Ledoyen les 10 et 11 Septembre 2017. Le meilleur d’ici là !