Chose promise, chose due ! Il y a quelques mois, lorsque nous débutions cette série consacrée aux alambics, nous évoquions l’étonnant alambic de la distillerie Castan. Aujourd’hui, suite à notre visite dans le Tarn, penchons nous de plus près sur son fonctionnement.
Cette machine construite en 1929 par l’entreprise L. Prost et muni d’une colonne de rectification Stupfler a d’abord été utilisée par Gilbert Castan – fondateur de la distillerie – qui, dans les années quarante, sillonnait la région pour distiller des fruits (prunes, poire, Mirabelle etc.). C’était à l ‘époque, une manière de conserver les fruits avant qu’ils ne se perdent.
Jacques Castan prendra la relève avant de passer la main à la troisième génération, celle qui changera à jamais le destin de cette machine.
En 2010, alors que les débouchés pour les eaux-de-vie de fruits se font de plus en plus rares, Sébastien et Céline Castan décident de se lancer dans la production de whisky.
Ils réfléchissent tout d’abord à la possibilité d’acquérir un alambic à repasse, mais, très vite, décident de conserver l’alambic familial. Ils transforment alors ce qui apparaissait comme une « faiblesse » en un atout majeur pour la production de whisky.
Effectivement en plus de produire un distillat de grande qualité, l’alambic à fruit leur confère une originalité et une typicité forte !
Bien entendu, pour passer du fruit au whisky il a fallu faire quelques arrangements. Cette machine étant doté de multiples circuits, elle permet de distiller de beaucoup de façons différentes. On pourrait par exemple remplir les quatre vases et les chauffer simultanément mais, pour le whisky, mieux vaut fonctionner selon le processus suivant :
- On charge seulement les deux premiers vases avec du moût. Le troisième vase (3) sert de « tampon » car, contrairement au jus de fruit, le moût de malt mousse.
- La chaudière injecte de la vapeur d’eau directement dans le premier vase (1). Tous les autres circuits de chauffage sont fermés. Le contenu du premier vase se vaporise. C’est cette vapeur qui va être dirigée vers le second vase. S’en suit la vaporisation de son contenu (2).
- La vapeur est ensuite acheminée en direction du vase trois (3) qui agit à la fois comme tampon mais également comme déflegmateur. En effet, la vapeur se recondense partiellement au contact des parois cuivrées du vase qui de fait joue le même rôle qu’un plateau : une sorte de mini-distillation contribuant à la séparation des éléments constitutifs du moût s’opère. Les éléments les plus lourds et difficiles à vaporiser- puisque nécessitant une température plus élevée – sont ainsi retenus dans le vase.
- Le vase quatre (4) est hors circuit, il sert simplement à stocker et à préchauffer le moût de la passe qui suivra.
- Enfin les vapeurs arrivent dans la colonne où elles gagnent en pureté puisque contraintes de se recondenser par la forme de chaque plateau (fig 2).
Mais ce n’est pas tout, cette colonne est une Stupfer à fluide inversé. C’est-à-dire que de l’eau fraîche coule le long de ses parois ce qui permet de refroidir la colonne et de freiner encore plus intensément l’ascension de la vapeur. - Les éléments les plus lourds arriveront donc bien en dernier dans le condenseur, freinés par les vases 2 et 3 puis par la colonne de rectification.
L’alcool a bien été « trié » par la machine, il ne reste donc plus qu’à écarter les têtes et les queues.
Le distillat issu de cette machine est d’une grande qualité. Le mode de chauffe, les divers éléments de rectification et les multiples contacts avec le cuivre n’y sont pas étrangés. Consciente de cela, la distillerie a décidé d’en commercialiser une partie dont voici la note de dégustation:
Vilanova New Spirit Single Malt Classic, 45,1% – Distillerie Castan
Description | Comme écrit sur la fiole: « brassé et distillé par la distillerie Castan. Tout juste sorti de l’alambic, ce distillat est élaboré à partir d’orge maltée. Il est la base du whisky avant vieillissement ». L’échantillon dégusté est extrait d’une fiole ouverte à cette occasion. |
Couleur | Blanc, transparent |
Nez | Doux et fruité! On y descelle des notes d’abricot, de brugnon et de mangue ainsi que des notes de compote et de pomme encore tiède, c’est indéniablement une douceur fruitée qui s’exprime.
Le premier nez est également frais, sur les bonbons (fraise, framboise), les fleurs (sarriette, violette, tilleul, nectar) et les herbes (Romarin, persil) |
Palais | Rond, vif.
On retrouve les arômes précédemment évoqués. Les notes de bonbon aux fruits rouges et florales dominent. |
Finale | Putot courte, sur les herbes (persil, thym) et les bonbon Kréma (Regal’ad). |
Synthèse | Délicat et profond, ce New Spirit est riche en arômes fruités et floraux. Les précurseurs aromatiques qui feront le goût de Berbie et Roja sont bien en place. Par comparaison, on mesure alors l’apport qu’aura le fût sur la palette épicée du futur whisky. |
Cet appareil, courant dans le monde de la distillation de fruit, est rarissime dans l’univers du whisky ! Ou devrais-je dire ces appareils, car pour augmenter sa production (et pour notre plus grand plaisir!) la distillerie de Castan a réussi à s’en procurer un second qui entrera prochainement en activité.