Une brève (mais intense) histoire du whisky français !

Alors que nous nous approchons de la barre des 100 distilleries de whisky sur le sol français, nous avons décidé de revenir sur la brève mais fulgurante histoire du whisky français. En fin d’article, nous nous livrerons même à un petit exercice d’anticipation ! Mais, avant cela, remontons le temps jusqu’au milieu des années 80 et prenons la direction de Lannion, une ville des Côtes d’Armor qui abritait alors une quinzaine de milliers d’âmes.

La naissance du whisky français

Nous sommes en 1983 à la distillerie Warenghem, créée en 1900, réputée notamment pour ses liqueurs de plantes. Gilles Leizour vient de succéder à son père à la tête de l’entreprise et il cherche à relancer la distillerie.

L’inspiration lui vient à la lecture d’un article dans lequel un journaliste relate la découverte d’un whisky français à la garden-party de l’Élysée du 14 juillet 1983. Le breuvage, répondant au nom de Biniou, était en fait un assemblage de 98% d’alcool neutre distillé à Antrain avec 2% de Single Malt écossais (la DGCCRF de l’époque était probablement plus flexible avec les règles d’étiquetage !).

Cette approximation journalistique suffira à insuffler l’idée à Gilles de produire un whisky mais, cette fois-ci, un VRAI whisky français ! En moins d’un an, la distillerie Warenghem étudie le sujet, met en place les outils et débute la production d’un « blend » assemblé à partir de whiskies de malt (25%) et de blé (75%) distillé en alambic à repasse.

En 1984, les premières gouttes de distillat coulent de l’alambic. L’histoire est en marche.

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Le tournant des années 2000

En 1998, Warenghem confirme son rôle de pionnier avec le premier Single Malt français sous la marque ARMORIK.

Au même moment, une étincelle se produit en Alsace. Gilbert Holl, un distillateur de fruits installé à Ribeauvillé, se met en tête de faire du whisky. Les digestifs traditionnels tombent en désuétude et le whisky apparaît alors comme un relais de croissance. Mais attention, ce sera un whisky « au goût de l’Alsace », promet Gilbert Holl. Ce dernier sera rapidement suivi par Yves Lehmann, qui débute sa production à Obernai, animé par la même volonté de produire un whisky local.

En 1999, Mavela, Eddu, Glann Ar Mor et Claeyssens se lancent dans l’aventure, tant et si bien qu’au passage à l’an 2000, sept distilleries sont en activité dans l’Hexagone.

2000-2010 : une décennie de consolidation

Ne nous voilons pas la face, de 2000 à 2010, le whisky français reste très marginal.

Durant cette décennie, les amateurs découvrent le whisky japonais et la simple évocation d’un whisky français provoque au mieux un rictus gêné.

Pourtant, elle va permettre au whisky français de se structurer, d’abord autour de deux régions, la Bretagne et l’Alsace, puis dans tout le pays.

En 2009, le Domaine des Hautes Glaces (Rhône-Alpes) lance sa production, suivi par Castan, en Occitanie, qui devient la vingtième distillerie française.

Le marché représente alors 215 000 bouteilles qui sont consommées régionalement, principalement en Bretagne et en Alsace.

Sébastien CASTAN rejoint l’aventure du whisky français en 2010 !

2010 – 2020 : l’explosion du whisky français

Alors que nous avons eu 13 créations de distilleries en France entre 2000 et 2010, pas moins de 66 distilleries vont débuter la production de whisky entre 2010 et 2020. Parallèlement, la qualité augmente considérablement.

En effet, dès le début de cette nouvelle décennie, Warenghem fait appel à Jim Swan, un consultant mondialement réputé, pour revoir de fond en comble son processus de production. De son côté, la distillerie Rozelieures s’entoure d’un maître de chai expérimenté.

Ces années seront aussi le théâtre d’avancées sur le plan réglementaire.

D’abord avec la création de deux IGP, une pour le whisky alsacien, l’autre pour le whisky breton (voir article : IGP, Whisky Alsacien Vs whisky Breton ), puis avec la publication du Décret n° 2016-1757 du 16 décembre 2016 relatif à l’étiquetage des boissons spiritueuses qui encadre l’appellation Single Malt. Désormais, seuls les whiskys élaborés exclusivement à partir d’un moût d’orge maltée, dans une seule et même distillerie et par distillation discontinue simple, peuvent porter le titre honorifique de Single Malt.

À la fin de cette période, le visage du whisky français a considérablement changé.

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En 2016, après un franc succès à la tête de la brasserie Lancelot, Stéphane Kerdodé se lance dans l’aventure avec la distillerie de la mine d’or.

En 2018, on dépasse la barre d’1 million de bouteilles vendues et, en 2020, il faut ajouter aux 86 distilleries en activité une vingtaine d’éleveurs/affineurs qui travaillent sur des whiskies brassés, fermentés, distillés et vieillis en France.

Au total, plus de cent marques dynamisent aujourd’hui la catégorie et suscitent la curiosité et l’intérêt de la part des consommateurs français.

Cela dit, l’humilité reste de mise. Le whisky français connaît certes une croissance fulgurante, mais il n’en reste pas moins artisanal. La production globale de la France dépasse légèrement les 2 millions de litres d’alcool pur par an. C’est à peine plus qu’une distillerie écossaise de taille moyenne, comme Auchentoshan ou Bowmore par exemple.

La fin de cette période est aussi marquée par les premières fermetures de distilleries. Mersiol cesse son activité le 30 novembre 2019, suivie de peu par Alpspirit (Mandrin/Alpenglow) et Gilbert Holl, dont le fonds de commerce sera par chance repris par Nusbaumer.

2020- 2030 : Et maintenant ?

Installez-vous confortablement, prenez un whisky (français), il est maintenant l’heure de se lancer dans un exercice hasardeux de prospective : qu’est-ce qui va marquer la décennie en cours ?

Tout d’abord, nous dépasserons forcément les 100 distilleries en activité (si ce n’est déjà fait). Parmi ces nouvelles distilleries il faudra compter des acteurs majeurs, en effet la « Spirit valley » (Cognac) est jusque-là restée particulièrement discrète. Pourtant, il y a là-bas des unités de production capable de doubler le volume de whisky français produit annuellement et ce en seulement quelques mois de distillation.

L’arrivée de quantités importantes devrait nécessairement s’accompagner d’un développement de la catégorie à l’export. Une étape qui sera un véritable moment de vérité et qui permettra (ou non) à la France de s’imposer comme une nation du whisky à part entière.

Car, ne l’oublions pas, il aura d’abord fallu que le Japon soit mondialement reconnu pour qu’aujourd’hui, ce pays soit considéré comme la quatrième nation du whisky après l’Écosse, l’Irlande et les États-Unis.

Georges Clot, le Master Blender de la marque Alfred Giraud

Sur le marché domestique, l’augmentation du nombre d’acteurs et des volumes produits va accélérer la mise en place d’une IGP whisky français car, si l’on s’en tient au texte européen, il ne devrait pas être possible de revendiquer l’appellation « whisky français » sur une bouteille sans qu’un cahier des charges ait été préalablement publié dans le cadre d’une IGP ou d’une AOC.

On peut donc s’attendre à une réglementation d’ici 2025.

L’environnement concurrentiel s’intensifiant, les prix devraient stagner, si ce n’est baisser. Seules les distilleries capables de proposer une qualité de whisky impeccable pourront se maintenir dans le segment super premium (eh oui, à 75€ les 50 cl de 3 ans d’âge, les marqueteurs vous classent dans le super !). Enfin, il est probable qu’on assiste à d’autres fermetures de distilleries…

À bien des égards, le futur proche va être déterminant pour l’industrie du whisky français… Une chose est sûre : cette aventure passionnante va continuer, et nous serons là pour continuer d’échanger régulièrement avec vous !