Le Château du Barroux – Vers un whisky de petit épeautre de Haute-Provence

Depuis 2021, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur compte une seconde distillerie de whisky ! Mais avant de rentrer dans le vif du sujet et de parler whisky, prenons quelques lignes pour décrire l’histoire romanesque du château féodal du Barroux !

Une longue errance 

Situé dans le Vaucluse, faisant face au célèbre Mont Ventoux et aux Dentelles de Montmirail, le Château du Barroux a connu une histoire pour le moins mouvementée ! Construit au 12ème siècle, le château fort change plusieurs fois de propriétaire jusqu’en 1791, quand les troupes révolutionnaires qui l’occupent décident de brûler le mobilier (et probablement les occupants) en place publique. 

Abandonné, le château n’est alors plus qu’une carrière de pierres qui, lentement, tombe en ruine. Mais en 1929, un Préhistorien renommé entend bien mettre un terme à cette longue agonie.

Directeur du laboratoire d’anthropologie préhistorique à l’École des hautes études et président de la Société préhistorique française, André Vayson de Pradenne quitte temporairement son époque de prédilection pour s’intéresser à un autre domaine archéologique, le Moyen Âge ! Il rachète les ruines du château du Barroux et entame sa restauration. Les travaux vont bon train mais malheureusement, avant de mener la restauration à son terme, l’historien décède dans un tragique accident domestique en 1939. 

Le château est de nouveau laissé à l’abandon, le whisky français est encore loin !

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le château est occupé par un bataillon allemand qui, sentant le vent tourner, lève le camp à la hâte. En 1944, alors qu’ils se replient, une autre troupe allemande passe par le château. Voyant les restes d’un campement, les militaires sont persuadés d’avoir trouvé un repaire de résistants et incendient le château… Cela se passe de commentaire !

Nouvelle période d’abandon avant que les travaux de rénovation ne reprennent temporairement entre 1959 et 1990 grâce à l’apport de fonds privés.

« La Fenaison »* Paul Vayson Peintre Provençal (1841-1911)

En 2020, après 30 ans d’abandon presque total, Jean-Baptiste Vayson, arrière-petit-fils d’André, ne supporte plus de voir la propriété familiale dépérir. Avec sa femme Fanny, il s’installe au château avec la ferme intention de faire vivre cette vieille bâtisse ! Après quelques années dans l’hydroélectrique, Jean-Baptiste ne demande qu’à revenir à un travail plus concret, et avec Fanny, œnologue originaire du Sud-Ouest, ils ne manquent pas d’énergie !

Au départ, le couple envisageait de faire du vin, mais après une étude de marché et mue par l’envie de se renouveler, Jean-Baptiste et Fanny optent pour une autre production. Vous l’aurez compris, on va enfin pouvoir parler de whisky !

Le whisky de Haute-Provence 

Conscients de ne pas arriver les premiers sur le marché dynamique du whisky français, Fanny et Jean-Baptiste cherchent à produire un whisky singulier tout en valorisant leur terroir. Admirative du travail et de l’indépendance de Guy Le Lay qui, en 1999, se lança envers et contre tout dans la production d’un whisky de blé noir breton, Fanny suggère de valoriser le petit épeautre de haute Provence, une céréale locale qui bénéficie d’une IGP.

Champs de petit épeautre de Haute-Provence. Crédits photo : www.petitepeautre.com

Le couple se rapproche du Syndicat du petit épeautre de Haute-Provence et monte une filière permettant de garantir que tous les grains utilisés par la distillerie seront bien issus des sols calcaires et pauvres de l’appellation, et ce, dans un rayon de 50 kilomètres maximum autour du château ! 

Afin d’exploiter tout le potentiel aromatique de cette céréale, ils entreprennent de maîtriser tout le processus de production !

Afin de valoriser le travail des paysans, Fanny s’inspire du tableau « La Fenaison » et dessine le faucheur, un clin d’œil au célèbre gentleman marcheur.

Après avoir installé une petite malterie, des équipements de brassage et un petit alambic armagnacais au château, le couple débute la production en août 2021. 

Le petit épeautre se révèle être une céréale exceptionnelle en termes d’arômes, mais une véritable galère à travailler ! Jean-Baptiste et Fanny se retrouvent face à des problématiques techniques qu’ils contournent dans un premier temps en ajoutant un peu d’orge à la recette. En parallèle, ils se rapprochent de l’IFBM (Institut français des boissons, de la brasserie et de la malterie) pour améliorer leurs techniques de maltage.

En 2022, ils arrivent à produire des whiskies issus à 100 % de Petit épeautre de Haute-Provence !

Le distillat de Petit épeautre s’écoule de l’alambic armagnaçais.

Il faudra encore un peu de patience pour découvrir les whiskies du Barroux, mais vous pouvez d’ores et déjà réserver une bouteille de la première cuvée en vous rendant au château. En plus de la visite qui vaut le détour, Fanny et Jean-Baptiste ont monté une petite boutique intégralement dédiée au whisky français !

*Fenaison : Coupe et récolte des foins.