Domaine Rounagle – Le whisky de la Ténarèze

Située au centre de la région de l’Armagnac, la Ténarèze est une enclave vallonnée qui représente 32% de la production de l’eau de vie ardente*. Son nom se rattache au chemin de crête qui la traverse : un sentier stratégique utilisé depuis la préhistoire, puis, rebaptisé « chemin de César » par les Romains qui s’en servaient pour rallier Bordeaux depuis les Pyrénées en évitant tout obstacle majeur.

Exposée aux vents du Sud-Est, la région affiche une personnalité bien affirmée. Son climat est plus méditerranéen et ses vallées abritent un mélange limoneux et sablo-argileux tandis que ses coteaux révèlent des sols argilo-calcaires. Ces terres propices engendrent une eau-de-vie fougueuse, prenant de la profondeur au fil du temps passé dans les chais. Avec des notes épicées et une subtile touche de violette, les armagnacs Ténarèze sont souvent employés dans les assemblages pour apporter du relief à l’armagnac.

C’est ici, dans ce paysage bucolique de collines dorées et de champs verdoyants, de villages pittoresques et d’arbres centenaires, que ce trouve le Rounagle, un endroit où le temps se suspend et ou un nouveau whisky français s’invente !

L’aventure trouve son origine presque par accident, quand Hugues Amesland se voit proposer de poser ses valises en Gascogne. Devenu directeur général des domaines d’Armagnac de Samalens et Larressingle, il découvre un amour profond pour la région et son eau-de-vie emblématique. Après s’être formé auprès des maîtres du métier, tels que Maurice et Arnaud Papelorey ainsi que Pierre Samalens, Hugues Amesland se met à son compte et s’engage dans une quête pour créer son interprétation de l’eau de vie gasconne, et dans cette recherche d’authenticité, la Ténarèze est pour lui une évidence !

Ainsi, en 2015, il acquiert le Domaine Rounagle, une propriété située sur une petite colline réputée pour ses vignes de qualité. Au 22 hectares de vignes, s’ajoute 10 hectares de terres sur lesquelles les anciens propriétaires prévoyaient de planter du tournesol mais, lorsque Hugues reprend le domaine, il a la profonde conviction que les sols uniques de la Ténarèze nourriront une orge de grande qualité ! Ainsi, avant même d’avoir dressé un business plan pour la production de whisky, Hugues sème 10 hectares d’orge Prestige en agriculture biologique ! 

En 2016, Hugues se rapproche de la malterie du vieux silo pour malter sa production, puis, l’année suivante, il se rapproche de Philippe Laclie de la distillerie Bercloux pour brasser et distiller cette première moisson dans un alambic Stupfler. Le domaine dispose bien de deux alambics charentais mais d’une part, ces derniers ne sont pas encore remontés, d’autres part, Hugues hésite encore et il n’exclut pas d’acquérir un autre type d’alambic pour la distillation de ses orges (Istill, Stupfler…).

 

En règle générale, les producteurs remontent la chaîne de production depuis la distillation (l’affinage parfois) pour éventuellement finir par la maîtrise de la brasserie puis de la matière première mais Hugues met parfois la charrue avant les bœufs ! Qu’importe, le projet d’exprimer la Ténarèze dans un whisky est en route, et, soucieux d’aller au bout de la démarche, l’entrepreneur loge son distillat dans des fûts neuf de chêne pédonculé gascon doté d’une chauffe légère. Ce chêne à gros grain, initialement utilisé pour l’Armagnac, confère une richesse de tanins idéale pour les eaux-de-vie robustes.

Afin de favoriser une oxydation rapide malgré l’épaisseur des grains (et donc la faible porosité) de l’essence, Hugues ne remplit que 250 des 400 litres de capacité du tonneau avec son distillat à haut degré (69% vol). Puis, il répartit sa production dans trois chais dont un dénué d’isolation et situé en haut de la colline qui se caractérise par des amplitudes thermiques très importantes.

Le lancement du whisky était donc prévu pour 2020 après les trois ans de garde réglementaires, mais les caprices de la pandémie mondiale en ont décidé autrement. Qu’à cela ne tienne, quiconque travaille dans l’industrie des spiritueux sait que l’attente est le sel de l’excellence ! Hugues repousse le lancement d’un an, mais en 2021 c’est l’intense reprise de l’activité post-pandémie qui engendre une pénurie de verre.  C’est finalement en 2022 qu’en toute discrétion, le whisky du Rounagle voit le jour ! Un mal pour un bien puisque le whisky arbore fièrement cinq années de maturation, contribuant à une palette aromatique d’une densité exceptionnelle !

Description : Orge Prestige semé fin novembre 2015 sur la parcelle A1181 au Rounagle (sol calcaire).
Brassé et distillé en 2017 dans un alambic Stupfler, le whisky à ensuite été élevé en fûts neufs de chêne de Gascogne.  Mis en bouteille le 19 septembre 2022 à 45% vol

Nez : Une première impression vibrante de clémentine fraîchement pelée se mêle harmonieusement à des notes sucrées de calisson d’Aix. L’aspect boisé attendu (chêne neuf oblige) se déploie en arrière-plan et ajoute de la profondeur à l’ensemble. Au second nez, un soupçon de chocolat en poudre et de café au lait complète cette palette olfactive riche.

Bouche : L’attaque est saisissante, délivrant un mélange dynamique d’épices qui font rapidement place à un milieu de bouche marqué par la gourmandise. Des nuances d’amandes toastées et de fruits confits, équilibrées par une subtile amertume boisée, se succèdent avant de s’effacer au profit de notes de malt et de foin coupé.

Finale : La finale, exceptionnellement longue, renoue avec des notes torréfiées et complexes de café fraîchement moulu et de cacao en poudre. Après quelques minutes, une subtile note saline persiste.

A ce jour, la production reste confidentielle et outre quelques épiceries locales, Hugues commercialise la plupart de sa production à l’export. De l’Italie à Taiwan, en passant par les épicuriens de sa propre région, le whisky du Rounagle distille patiemment la voix de la Ténarèze.

 

 

*67% de la production provient du bas Armagnac tandis que le Haut Armagnac représente à peine 1% de l’appellation.