Une affaire de céréales !

L’une des caractéristiques du whisky français réside sans aucun doute dans la grande liberté des producteurs. Que ce soit dans le choix des alambics (mis à l’honneur dans la section Distillation et Alambics ), des méthodes de vieillissement, des fermentations ou bien entendu des matières premières, la diversité est au rendez-vous ! Loin de se limiter à l’orge, les distilleries françaises explorent la richesse aromatique de nombreuses céréales. Il faut dire que la législation européenne est plutôt permissive, puisqu’elle stipule simplement que « le whisky ou whiskey est une boisson spiritueuse obtenue par distillation d’un moût de céréales maltées avec ou sans les grains entiers d’autres céréales. » Dès lors, pourquoi se priver d’explorer ? Rapide tour d’horizon de la question.

De gauche à droite : Orge, Blé, Maïs rouge, Seigle, Epeautre, Avoine

Les céréales dans le monde

En Écosse, le single malt est un whisky distillé dans une seule distillerie, à partir d’orge maltée exclusivement, et distillé dans des alambics pot still. Quant aux whiskies de grain, avant 1984, les Écossais utilisaient principalement du maïs, jusqu’à ce que cette céréale soit progressivement remplacée par le blé au cours des années 1980, principalement pour des raisons économiques.

En Irlande, le Single Pot Still doit provenir d’une seule distillerie et être élaboré à partir d’un mélange d’orge maltée (minimum 30 %), d’orge non maltée (minimum 30 %), et jusqu’à 5 % d’autres céréales, généralement de l’avoine ou du seigle. L’ensemble est distillé en alambic pot still, le plus souvent trois fois. Fait amusant, le Single Pot Still a pour origine un impôt créé par la couronne Britannique en 1785. Il s’agissait d’imposer l’orge maltée c’est pourquoi les distillateurs Irlandais ce sont mis à utiliser des céréales non maltées ! 

Aux États-Unis, outre le bourbon, fabriqué à partir d’au moins 51 % de maïs, le reste étant généralement du seigle, de l’orge ou du blé et le Rye (51% de seigle minimum); l’innovation est également au rendez-vous. Par exemple, la distillerie Koval s’est illustré avec un whisky à base de millet. Au Texas, le Balcones Baby Blue Corn Whisky est élaboré à partir de maïs bleu, une variété ancienne. Dans le Tennessee, le Corsair Quinoa Whiskey intègre, comme son nom l’indique, du quinoa dans sa composition. Enfin, dans l’Utah, la distillerie High West Silver Oat Whiskey propose un whiskey à forte teneur en avoine (et cette liste est est loin d’être exhaustive!)

Mais revenons en France, sans doute l’un des pays le plus inventif en matière de céréales. Outre le blé noir, le maïs, le blé, l’orge (y compris d’anciennes variétés, lire : Anciennes variétés : les « cépages » du whisky ? ) et le seigle – mis à l’honneur lors du Rye January – les distilleries françaises produisent des whiskies particulièrement originaux. La distillerie Bows travaille sur des whiskies à base de sorgho, tandis que la Distillerie de Paris s’est fait remarquer avec un whisky de riz. Par ailleurs, l’avoine, le grand et le petit épeautre,  figurent aussi parmi les matières premières utilisées pour l’élaboration de whiskies français.

Caryops : une célébration de cette diversité

Le récent embouteillage du Domaine des Hautes Glaces, issu de l’assemblage de plus de 150 eaux-de-vie, est une véritable ode à la diversité des céréales. Ce whisky réunit des malts d’orge, de seigle, d’épeautre, d’avoine et d’engrain (petit épeautre). Baptisé Caryops, un terme botanique désignant un fruit sec indéhiscent – c’est-à-dire un fruit qui ne s’ouvre pas spontanément à maturité, comme le grain des céréales –, ce whisky reflète l’ambition de proposer une véritable synthèse de 15 année d’exploration au Domaine des Hautes Glaces.

« L’intention était de créer un whisky qui capture la diversité des céréales et des parcelles que nous travaillons séparément. C’était un défi d’assemblage : je voulais que chaque composant soit perceptible, tout en obtenant un whisky complet et harmonieux. »
Frédéric Revol

Nez : Comme on pouvait s’y attendre, le nez est clairement dominé par des arômes céréaliers. Néanmoins des notes réglissées s’entrelacent avec des fruits tels que la reine-claude et de la banane tout juste mûre. Les agrumes apportent une fraîcheur, tandis que des fleurs capiteuses et de fenouil ajoutent de l’élégance au nez.

Bouche : Souple et franchement céréalière, elle dévoile un profil unique qui évoque à la fois le grain et la tige des cinqs céréales qui composent l’assemblage. Les saveurs évoluent de la prairie à la malterie, avec des notes d’orge caramélisé, de biscuit et de flocons d’avoine. Des touches de fleurs mellifères et de pollen rappellent la dimension florale du whisky déjà perçue au nez.

Finale : Longue et complexe, elle s’ouvre sur des notes de malt vert, d’herbe coupée et de fougère. Elle se poursuit par une belle amertume, sur l’écorce de pamplemousse et se termine sur une touche minérale évoquant le schiste et l’iode qui semble avoir sous-tendu toute la dégustation, mais qui ne se dévoile qu’après de longues minutes.

L’excellent Caryops est également mis à l’honneur dans une vidéo réalisée par Renaud Conti (@bacchus_films).

Une histoire loin d’être terminée

L’exploration est loin d’être terminée ! En 2025, le Château du Barroux dévoilera son whisky issu de petit épeautre, tandis qu’en Camargue, une nouvelle distillerie s’intéresse aux arômes du riz noir. Plus largement, les initiatives explorant l’impact des matières premières sur le whisky se multiplient en France. Un dynamisme qui n’a rien d’étonnant dans un pays où le terroir et la diversité des cépages font partie intégrante de l’identité culturelle.